L'ACTUALITÉ DE MAYOTTE 100 % NUMÉRIQUE

Les infos de Mayotte depuis plus de 20 ans !

Un retour à la (brique de) terre (2/3) : Vincent Liétar : « Il est impossible de construire 1.000 logements l’an sans les artisans »

À lire également

“Oui à la piste longue à Mayotte, mais pas au détriment de l’environnement”

Le temps presse et le débat est loin d’être clos. L'allongement de la piste de l'aéro-port ne fait pas l’unanimité tant sur le fond...

Mayotte accueille son conseil d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement

Mercredi s'est tenue l'assemblée générale constitutive du conseil d'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement de Mayotte. Celui-ci a pour objectif d'accompagner gratuitement les particuliers...

À l’hôtel La Résidence à Kawéni, l’enfer quotidien des pieds dans l’eau et la boue

Gérante de l'hôtel La Résidence à Kawéni depuis 18 ans, Sophie Bond s'en prend à l'immobilisme ambiant et aux manquements des autorités. En raison...

Sur la route de Mouboukini à Combani, « soit on mouille les chaussures, soit on ne traverse pas »

La réfection d'une voirie peut parfois créer de larges polémiques dans une commune. C'est le cas pour la route de Mouboukini à Combani où...

Directeur général-adjoint de la Société immobilière de Mayotte (SIM) de nombreuses années durant, Vincent Liétar a une grande connaissance de la brique de terre compressée (BTC), qu’il a utilisée sur une multitude de bâtiments à Mayotte. Avec le recul qui est le sien, il nous explique ce qui a changé et les futurs enjeux.

 Flash Infos : La filière BTC (brique de terre compressée) revient au goût du jour face aux effets du réchauffement climatique. Quel regard portez-vous sur le mouvement qui s’impulse à Mayotte ?

Vincent Liétar : Les enjeux du réchauffement climatique sont une aubaine pour cette filière quasi morte à Mayotte depuis deux décennies. Maintenant l’enjeu est aussi important qu’il y a un peu de 40 ans avec la brique de terre de première génération. En effet, malgré de nombreuses évolutions techniques et technologiques, il va falloir retrousser les manches pour pouvoir relancer un jour la machine productive à plein régime. Redonner vie à cette filière impose que l’on forme tous les acteurs dans les différents niveaux du secteur. Pas seulement les artisans comme dans le temps, mais également les architectes, les maîtres d’ouvrage et aussi les promoteurs immobiliers. C’est une filière qui redémarre parfois sans moyens financiers comme en 1981. Les retombées sur l’économie locale supposent des ouvertures de programmes tenant compte de ces modes de programmation. J’entends ici et là ceux qui projettent de sortir 1.000 logements par an sur la base d’un million d’euros à dépenser et ce, à un rythme soutenu pendant dix ans. Pour arriver à ce résultat, il est important de mobiliser toutes les forces vives du territoire, en sachant qu’il est impossible de faire une telle quantité de logements sans l’intervention des artisans mahorais. Les retombées sur l’économie locale et l’appropriation sociale sont absolument nécessaires.

F.I: Il se présente un paradoxe, malgré un faible coût de production, il y a des prix exorbitants au mètre carré bâti. Comment est-ce possible ?

V.L. : Il faut beaucoup de temps entre le moment où l’on arrête une programmation et celui où il prend enfin forme. J’en veux pour preuve le quartier de la pointe Hamaha qui prend forme progressivement depuis quelques années. La brique de terre compressée y a toute sa place, ne serait-ce déjà que sur le projet du centre scolaire. C’est un ensemble de 24 classes d’un coût estimé à 451.000 euros l’unité. Se pose alors la question importante du besoin de construire des classes luxueuses à une époque où des associations de lutte contre l’illettrisme et la déscolarisation sur le territoire sont obligées d’improviser des salles de classes dans des salons d’habitation privées. Cette logique est indéxable dans la mesure où il profite en réalité à tout un système économique non mahorais.

F.I. : Le rêve de Younoussa Bamana était de moderniser l’habitat traditionnel par les Mahorais, avec une main d’œuvre et une matière première locale. Comment continuer sans eux aujourd’hui ?

V.L. : Nous sommes bien loin des années 80 où l’objectif fixé par Zouber Adinani et Younoussa Bamana était de dépenser 60.000 euros pour obtenir cinq classes et non une comme c’est le cas aujourd’hui. Pour lutter contre ce phénomène, il y a besoin d’intégrer toutes les entreprises du secteur dans le système, en y mettant bien sûr des garde-fous. Il est intolérable de constater que 60% des entreprises du nord de l’île ne sont pas déclarées. La brique de terre compressée contribuera faire baisser le coût du mètre carré bâti à Mayotte.

F.I : Un chiffre de 1.000 logements à construire par an est avancé localement, à condition que la brique puisse coûter 1 euros l’unité. Est-ce une chimère ?

V.L.: De l’autre côté, vous avez la SIM qui demande aux artisans producteurs de BTC de vendre l’unité à 1€ sans clarification de sa commande annuelle. Comment voulez-vous poursuivre lancer des programmes aussi ambitieux sans une visibilité sur la commande de la brique ? On voit également des appels d’offres qui portent sur 245 à 300€ le mètre carré bâti. Où va-t-on à ce rythme. Tous calculs intégrés le mètre carré en BTC ne doit jamais dépasser 200€. La moyenne se situe plutôt sur 150€. Lorsque j’ai parlé de l’importance de former tout le monde y compris les maîtres d’ouvrage, c’est parce-que ce sont eux qui maîtrisent la formation des prix dans le secteur du bâtiment. Aujourd’hui, les gens semblent perdre le bon sens des choses d’où le besoin de mobiliser tous les intervenants pour obtenir des prix normaux. C’est un travail de longue haleine certes, mais il conditionne la pérennité de l’emploi dans le département. En 1980, Pierres Maurice et Younoussa Bamana avaient pris 4 ans pour faire vérifier tous ces paramètres avant de donner le signale de départ des premiers programmes en 1982. Sans faire de l’angélisme, il importe d’être en intelligence avec son environnement social. Dans cette nouvelle phase à venir, un temps d’accompagnement des différents intervenants sera nécessaire sur plusieurs années.

F.I. : Au regard de tous ces paramètres, comment remettre la BTC au centre de la production économique de Mayotte ?

V.L. : Le choix entre la brique de terre compressée (BTC) appartient aux Mahoraises et aux Mahorais, dans une évolution conduite et pilotée par eux-mêmes. Ici à Mayotte, la densité naturelle des villages est remarquable, chacun construit à côté des siens et de son groupe familial. La notion d’appartenance à une communauté est encore importante malgré une forte évolution de la population en 40 ans. Tout reste connecté et c’est pour cela qu’on ne peut parler de la brique en terre stabilisée hors d’une intelligence avec la production économique et sociale. Sa production répond à une logique purement locale complètement déconnecté de l’ancien schéma colonial qui se voulait avec des réponses toutes faites importées de l’hexagone. Elle se présente comme une (nouvelle) façon de prendre en main les forces vives sociales sur le territoire dans la mesure où un emploi dans ce secteur peut faire vivre jusqu’à six personnes dans une famille.

F.I. : La BTC qui est un produit propre à l’île, avec des études payées par les Mahorais, va être produite en passe en métropole, comme elle l’est déjà en outre-mer, sans que notre île n’en touche de dividendes. Votre opinion sur le sujet ?

V.L. : Cela est à mettre au compte du manque de leadership dans la société. La BTC est et doit rester une fierté mahoraise. Effectivement, les Calédoniens et les Guyanais se sont formés à la SIM pour lancer des produits adaptés à leurs besoins propres. Mais le vrai problème est ailleurs ! Après les élus de la génération de Bamana, qui s’est préoccupé de la poursuite de ce projet ? Personne ! Alors même qu’un important travail de normalisation de cette brique a été engagé durant plusieurs années. Mayotte a même partagé son savoir-faire en métropole et parmi les meilleures filières. A présent, la BTC émet cinq fois moins de carbone dans l’air que le parpaing. Cette normalisation a été un travail coûteux et de longue haleine. Il n’est pas trop tard pour les élus locaux de s’approprier cette innovation locale et prolonger bien au-delà cette fierté mahoraise d’il y a 45 ans. Elle a été certifiée AFNOR en 2001 qui est une norme nationale de fabrication de briques. En juillet 2021, elle a intégré la réglementation professionnelle sur la pose de la brique. En 1985, elle a obtenu le Palmarès de l’habitat, depuis les artisans jusqu’au ministère de l’Habitat. Ce n’est pas rien tout ça.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1086

Le journal des jeunes

À la Une

Wuambushu 2 : « Ça bouscule les quartiers, parce qu’on va chercher les gens »

Quelques maires et conseillers départementaux de Mayotte ont pu rencontrer François Xavier Bieuville, ce vendredi, en fin de matinée, dans l’hémicycle Bamana du conseil...

Le corps d’un jeune homme retrouvé avec « une plaie au cou » à Tsingoni ce vendredi

Ce vendredi matin, le cadavre d'un jeune homme d'une vingtaine d'années a été découvert à Tsingoni, par la police municipale, sur la voirie. Il...

Migrants à Cavani : « Ça prendra du temps, il faut le reconnaître », estime François-Xavier Bieuville

Après l’opération de recensement de ce mercredi, une autre de nettoyage est intervenue, ce vendredi matin, devant le stade de Cavani, boulevard Marcel-Henry, à...

Trois cas autochtones de choléra confirmés à Koungou

Depuis lundi, trois cas de choléra dits « autochtones » ont été confirmés dans la commune de Koungou. Un homme, une femme et un bébé, qui...

Les migrants de Cavani chassés de la rue

Depuis les environs de 9 heures, ce vendredi 26 avril, un important dispositif de gendarmes et de policiers bloque l’accès au boulevard Marcel-Henry, devant...