Ismael et Mohamadi sont inséparables. Ces deux Mahorais sont des restaurateurs ayant fait carrière sur l’île de La Réunion pendant plus de dix ans. Depuis peu, ils ont décidé de revenir à Mayotte afin d’ouvrir plusieurs restaurants. En un an, ils ont déjà trois établissements à leur actif.
Les restaurants « La Zone » ne sont plus à présenter chez nos voisins réunionnais. On en compte 14 sur tout le territoire, et derrière cette success story se cache Mohamadi Madi, un Mahorais qui vit à La Réunion depuis son adolescence. Il commence ses débuts dans la restauration dans des petits restaurants, puis en travaillant pour différents grands groupes tels que McDonald’s, Quick ou Burger King en tant que manager. « Arrivé à un stade, on m’a fait comprendre que je ne pourrai pas aller plus loin, alors j’ai décidé de partir », explique Mohamadi Madi. Il reste quelques mois au chômage, et c’est à ce moment-là qu’il réalise qu’il peut aller plus loin en créant son propre restaurant.
Là-bas, il a des difficultés à trouver un local car on lui demande des documents qu’il n’a pas. Au bout d’un an de recherche, il en trouve un, « mais c’était au quartier », précise-t-il. N’ayant pas le choix, il signe le bail et « c’est ainsi que naît La Zone, car on était dans la zone », continue-t-il. Rapidement, il réalise que c’est à son avantage puisqu’il n’a pas de concurrence. Il met donc un point d’honneur à installer tous ses autres restaurants dans les quartiers populaires, là où personne n’a envie d’aller. Aujourd’hui ses établissements sont présents sur tout le territoire réunionnais. Certains lui appartiennent, d’autres sont des franchises.
Si « La Zone » est aussi connue, c’est grâce à ses tacos à la française. « Nous avons été les premiers à les faire à La Réunion », assure Mohamadi. Cependant, il n’oublie pas ses origines et a voulu faire découvrir quelques plats locaux de l’île au lagon aux Réunionnais. Ils proposent ainsi des mabawas cuisinés à la mahoraise. « Ils sont différents des wings que l’on trouve partout » assure le gérant. Ils les servent avec des bananes frites et la sauce poutou (piment).
Après plus de dix ans d’existence, « La Zone » s’installe à Mayotte. Et si cela est possible, c’est notamment grâce à Ismael Saïd, le frère de cœur de Mohamadi. Les deux se rencontrent alors qu’ils font leurs études supérieures sur l’île Bourbon. Ils se lient d’amitié et embrassent la même carrière dans la restauration rapide. Ils exercent dans les mêmes endroits, se suivent, se séparent, mais se retrouvent toujours. Parmi ses différents postes, Ismael travaille durant deux ans en tant que manager chez « l’emporter factory », un fast-food réunionnais. « Lorsque le chiffre d’affaires de la boîte a commencé à baisser et que ça ne marchait plus, alors j’ai proposé à son propriétaire de racheter son fonds de commerce », se souvient Ismael. C’est ainsi qu’il devient chef d’entreprise pour la première fois, en 2018.
La Zone à Mayotte, un défi de taille
Ismael le reconnait, il avait les mêmes aprioris que la plupart des personnes qui vivent en dehors de Mayotte. « Je me disais que je ne reviendrais jamais car il y avait trop d’insécurité, le cadre de vie n’était pas idéal pour ma famille », indique-t-il. Et pourtant, le destin le rattrape. À l’occasion d’un voyage dans le département pour les vacances, il en évalue rapidement les opportunités et décide de rentrer définitivement chez lui. « J’ai contacté Mohamadi, on s’est concertés et on a décidé d’ouvrir deux restaurants à Mayotte, un à Mroalé et un autre à Labattoir. » Cela se fait entre mars et mai 2022. Un an plus tard, les deux hommes s’associent à nouveau pour un nouveau fast-food situé en plein centre de Mamoudzou. Et c’est là toute la différence avec ceux de La Réunion. « Là-bas on met un point d’honneur à être dans les quartiers populaires car c’est notre identité, mais ici c’est plus risqué alors on préfère rester en ville », explique Mohamadi Madi.
Créer son entreprise à Mayotte n’est pas de tout repos. Les entrepreneurs sont confrontés à la lenteur administrative qui freine leurs projets. « Je dirais que c’est deux fois plus difficile qu’à la Réunion, mais on n’a jamais lâché l’affaire », selon Mohamadi. Les deux acolytes affirment avoir fait des demandes de financement auprès des différentes autorités mais cela n’a jamais abouti. Les banques non plus n’ont pas voulu les suivre, alors ils ont tout financé avec leurs propres fonds. « Au début, je me suis même demandé pourquoi je suis venu ici. Mais ma mère m’a rappelé que je suis ici chez moi et ça m’a reboosté », ajoute Ismael. Aujourd’hui les deux relativisent. « Créer sans difficultés n’a pas de saveur ! Il ne faut pas se dégonfler, si vous croyez en votre projet il faut tenir bon », rappelle Ismael. Et à Mohamadi d’ajouter : « Oui, c’est difficile, mais il n’y a que des solutions, il faut trouver la sienne. » Les deux hommes disent se servir de leur expérience mahoraise pour aider les jeunes qui veulent également créer leur entreprise. Quant à eux, ils visent encore plus haut. Leur objectif est d’ouvrir autant de restaurants à Mayotte qu’à la Réunion, si ce n’est plus. Et ils n’ont pas l’intention de se limiter à l’océan Indien puisqu’ils visent également la métropole.
Exergues :
« Créer sans difficultés n’a pas de saveur ! »
« À Mayotte, c’est deux fois plus difficile qu’à La Réunion »