La première intervention sur ce sujet a été faite par Hamidani Ambririki, docteur en philosophie. Celui-ci a essayé de définir le terme « laïcité » et a resituer le contexte historique de son apparition en France.
Lors de son exposé, le Dr Ambririki a donné quatre définitions possibles de la laïcité : étymologique, juridique, philosophique et idéologique. Sur un plan étymologique selon lui, les Mahorais connaissent la laïcité depuis des dizaines d’années. En effet, étymologiquement, la laïcité serait tout ce qui n’est pas issu des institutions religieuses.
A Mayotte, la politique a été l’un des premiers domaines qui a su rassemblé au-delà des convictions religieuses, de la couleur de peau ou de la condition sociale. « Lorsqu’il a fallu combattre pour le maintien de Mayotte au sein de la république française, des chrétiens, des musulmans, des hommes, des femmes, des Noirs, des Blancs ont su se réunir pour défendre des intérêts communs au sein de l’Union de défense des intérêts des Mahorais de Georges Nahouda. Donc la laïcité, les Mahorais connaissent depuis longtemps » a argumenté le Dr Ambririki.
Sur un plan juridique, la laïcité est l’un des principes fondamentales de la République, puisqu’il figure au sein de l’article 1er de la Constitution de la Ve République. S’il a été mis en place en France, le principe de laïcité avait pour principe de séparer l’Eglise et l’Etat, ce dernier devant garantir la liberté de culte.
Cet aspect juridique découle de l’aspect philosophique issu des penseurs du siècle des Lumières qui ont imposé le prisme de la raison et du fait scientifique sur le clergé qui bafouait les libertés individuelles.
Pour ces deux définitions, Hamidani Ambririki estime que là encore Mayotte ne contrevient pas à ces principes. D’une part, chacun a toujours été libre de pratiquer sa religion « même si certains estiment que ne pas rappeler aux uns leurs devoirs religieux est une sorte de non-assistance à personne en danger » a-t-il lancé en souriant.
D’autre part, à Mayotte, il n’y a pas eu de clergé imposant sa manière de voir, puisque le sunnisme chaféite en vigueur à Mayotte est dépourvu d’une telle organisation.
En revanche, c’est sur le plan idéologique que la question pose problème. En effet, pour lui, les partisans de la laïcité ont confondu liberté de culte et anticléricalisme ou encore athéisme. Pour le Dr Ambririki, supprimer toute référence à la religion musulmane à Mayotte pousse à la perte de repères et à l’oubli de la tolérance de l’islam pratiqué sur place.
Cet exposé à quelque peu interloqué les membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux. Ils ont réaffirmé qu’on ne pouvait transiger avec ce principe de laïcité en France. L’un d’entre eux a également suggéré que la présentation faite par le Dr Ambririki était dangereuse et pouvait conduire aux communautarismes.
L’intervenant a donc dû s’y reprendre à plusieurs fois pour préciser son propos. « Ce n’est pas la laïcité que j’attaque, bien au contraire puisqu’elle promeut la tolérance. Ce sont plutôt ceux qui font de la laïcité un fer de lance contre l’islam. »
Cela a conduit à se poser la question suivante : que faire quand le droit commun rencontre une terre et des coutumes issues de la religion musulmane ?
Mouhoutar Salim, président de l’Institut de coopérations régionale et européenne de Mayotte a dans le second exposé ainsi rappelé que l’une des caractérisitiques principales de Mayotte, est que de nombreux aspects de la religion musulmane sont devenus des faits culturels et sociétaux.
Les grandes occasions de la vie (mariages, enterrements, naissances, circoncision, réunions politiques, etc.) se font toujours avec des prières ou des invocations.
« Pratiquant ou pas, croyant ou non, le Mahorais appartient à la communauté musulmane » a-t-il lancé.
Là aussi, cet exposé a fait tilt aux oreilles de certains membres des conseillers économiques et sociaux présents. Benoît Cailliaux venu de la Nouvelle-Calédonie s’est interrogé sur la façon dont on peut résoudre les problèmes entre le droit commun et la coutume.
Abdou Soimadou Dahalani, président du Cesem, lui a répondu que c’était très compliqué. Il a pris l’exemple du foncier dans lequel des espaces sont encore en indivision et que peut-être il aurait été plus simple de résoudre avec l’aide des cadis plutôt qu’avec des notaires.
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