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L’Islam, une option pour les jeunes Mahorais

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Dimanche, 7 heures du matin. Les voitures défilent devant le centre éducatif et culturel de M’tsapéré. Les parents viennent déposer leur progéniture, avec l’impression d’accomplir leur devoir de père et mère. Ils pressent leurs enfants pour qu’ils descendent des véhicules, les cours vont bientôt commencer. Mais les jeunes ne semblent pas pressés de monter les escaliers et rejoindre leurs classes respectives. Certains traînent des pieds, d’autres marmonnent… La matinée risque d’être longue pour eux. Mais ils n’ont pas le choix, chaque week-end c’est le même rituel et, à chaque fois, les adolescents essayent de négocier avec leurs parents pour ne pas se rendre au centre. Il s’agit en réalité d’une madrasa, autrement dit une école où les enfants apprennent l’Islam, à lire et à écrire arabe.

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Du haut de ses 14 ans, Sayel se rend à la madrasa depuis maintenant 6 ans. On pourrait croire qu’il a pris l’habitude, mais il n’en est rien. « Je n’aime pas venir ici. Je viens simplement parce que ma mère me force à venir. J’aurais préféré rester chez moi et dormir », lance-t-il d’un air ronchon sous son kofia*.  Mais Sayel sait que ses parents ne lui laissent pas le choix, alors il joue le jeu, à l’image de la majorité de ses camarades qui ont à peu près le même âge. Si les plus jeunes semblent heureux de retrouver leurs amis au centre, les adolescents ont plus de mal et ne s’en cachent pas. « Après 5 jours d’école, j’estime que j’ai le droit à 1 ou 2 jours de libre pour me reposer, dormir, jouer à la play. Mais non… On m’oblige à venir ici et ensuite je dois rentrer à la maison réviser mes cours », se plaint Sayb qui a également 14 ans. En effet, durant les semaines d’école, les enfants inscrits au centre doivent s’y rendre à chaque fin de semaine de 7h30 à 11h. Pendant les vacances scolaires, c’est tous les jours de 7h à 9h, sauf le vendredi. Un rythme que les jeunes ont visiblement du mal à supporter.

Un enseignement pas assez strict ?

Au centre éducatif et culturel de M’tsapéré, les cours commencent à 7h30. Les enseignants sont des oustadhs** chargés de transmettre leur savoir à ces jeunes musulmans. « On enseigne l’Islam de manière pédagogique. Ici on ne frappe pas l’enfant, on ne le force pas à faire ce qu’il ne veut pas faire, on l’écoute », indique Mouhamadi Bourhane, administrateur du centre éducatif et culturel de M’tsapéré. On est bien loin des écoles coraniques classiques mahoraises appelées chioni où le foundi, c’est à dire le professeur, est autorisé à frapper son élève, à lui faire faire des tâches ménagères. Savoir compter en arabe, lire et écrire la langue ou encore connaître les histoires des prophètes, c’est tout ce que les enseignants et les parents attendent de ces jeunes. Mais après des années d’apprentissage, certains ont l’impression de ne pas évoluer. « J’ai 15 ans et cela fait 11 ans que je suis ici. Après tant d’années, j’aurais pensé avoir plus de connaissances mais j’ai toujours le même niveau », réalise Mayssoon.

« La jeunesse délaisse la religion, elle a d’autres préoccupations »

D’autres, comme le jeune Sayb, ont leurs préférences. « Ce que j’aime le plus ici ce sont les hadiths*** qu’on nous raconte sur l’Islam et les prophètes, mais je n’aime pas lire le Coran », admet l’adolescent. C’est pourtant l’essence même des madrasas et des écoles coraniques. Les professeurs doivent aussi leur apprendre à faire la prière, mais ils n’ont pas les moyens de les obliger à la faire une fois chez eux et les jeunes en ont bien conscience. « Je ne fais pas la prière. Pourtant j’aimerais la faire, mais je n’arrive pas à m’y mettre », révèle Mayssoon. Idrisse, l’un de ses camarades réagit. « Ce sont des barrières psychologiques qui t’incitent à ne pas la faire. » « C’est le sheitan ! », lance un autre.

Mais la jeune fille n’est pas la seule à vivre la même chose, dans ce groupe d’une dizaine d’élèves seulement deux affirment faire la prière et ce n’est pas de leur plein gré. « Je fais la prière mais c’est parce que mes parents m’y obligent, je sais que si on ne me forçait pas je ne l’aurais pas faite », reconnaît Sayb. Ceci-dit, ces révélations n’étonnent pas les adultes qui les entourent. « Pour les jeunes qui sont ici la religion est une option. Ce n’est pas du tout leur préoccupation première. Ils viennent ici surtout parce que les parents sont derrière », reconnait Mouhamadi Bourhane. Et certains parents ont retiré leurs enfants du centre car ils estimaient que « les professeurs n’étaient pas assez stricts avec eux », ajoute l’administrateur.

Obligations religieuses et envie de liberté

Malgré leurs réticences, ces jeunes qui vont à la madrasa baignent dans la religion musulmane et certains, les plus rares, respectent à la lettre les obligations religieuses. Idrisse, âgé de 16 ans en fait partie. « La religion c’est ma vie, je fais la prière, je fais le ramadan, je vais à la mosquée, pour moi c’est normal. Je ne porte pas de short par conviction religieuse parce que dans l’Islam les hommes doivent se couvrir jusqu’aux genoux. » Le jeune homme refuse même de partir au Canada pendant ses études supérieures par amour pour sa religion. « Je voulais y aller mais j’ai appris qu’il y a beaucoup d’islamophobie alors j’ai décidé de ne pas y aller. Je ne veux pas être oppressé », raconte-t-il. Ses camarades comprennent ses choix, mais sont plus souples quant au respect de leur religion. Par exemple, les filles doivent couvrir leurs cheveux quand elles sont au centre, mais, une fois à l’extérieur, les règles ne sont plus les mêmes. « Moi je le mets uniquement quand je ne suis pas coiffée », révèle Réhéma, une autre élève. Elle n’est pas la seule dans ce cas, toutes les filles du groupe avouent faire la même chose, exception faite pour Mayssoon. « Je mets le châle à l’extérieur pour cacher mes cheveux par conviction religieuse, même au lycée. » Cependant, elle ne se sent pas prête à passer l’étape supérieure. « Je ne veux pas porter le voile car il faut vraiment avoir la foi, être sûr de son choix. »

Avoir foi en sa religion, un concept qui échappe de plus en plus à ces jeunes qui ont plutôt envie de s’émanciper et vivre autrement. La pression des parents les oblige à pratiquer l’Islam, mais cette pression a ses limites. « De nos jours, je trouve que la jeunesse délaisse la religion, elle a d’autres préoccupations », note Sayb, qui s’inclut dans le lot. Mais à l’exemple de ses camarades, il n’a pas l’intention de changer ses habitudes.

Retrouvez l’intégralité du dossier consacré aux jeunes de l’île dans le Mayotte Hebdo numéro 995.

 

*Kofia : le couvre-chef que les hommes musulmans portent pour aller à la mosquée ou lors d’évènements religieux.

** Oustadh : professeur de l’Islam

*** Hadiths : les histoires racontées par le prophète Mahomet et reprises par la suite

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte hebdo n°1085

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