Fayum Ambdi est un psychologue clinicien mahorais. Depuis plus de 10 ans, il accompagne ses patients dans leurs maux et pathologies. Formé en métropole, il est revenu à Mayotte il y a plusieurs années pour exercer sa profession. Pour Flash-Info, il a accepté de revenir sur ses ambitions et son parcours.
« Vous êtes le psychologue ? Ewa, Karibou ! » répond Fayum Ambdi à ses patients mahorais. Col de chemise entrouvert, pantalon à pinces, et début de coupe afro, d’une voix délicate. Le professionnel de santé pose chacun de ses mots : « Je souhaite accompagner les Mahoraises et les Mahorais en essayant d’apporter un regard nouveau. » C’est avec cette conviction que le psychologue a accepté ce portrait pour le Flash Info.
C’est un long cheminement qui conduit le clinicien à ce métier encore rare à Mayotte : « À l’époque du lycée, je voulais devenir chirurgien-dentiste. » Il obtient son baccalauréat en économie sociale (ES), en 2006. Pas la formation, la plus adaptée, face à la filière scientifique de l’époque : « Aller en médecine était voué à l’échec ; mais je voulais me rapprocher des professions du monde de la santé. J’ai alors choisi la psychologie, qui pouvait plus facilement s’en rapprocher. »
« Mayotte a besoin d’une offre de soins de qualité »
Dans son bureau situé non loin de la rue du commerce à Mamoudzou, l’eau de la bouilloire bout. Notre échange marque une pause, le temps que le bruit s’estompe. » Tout le monde peut faire un métier qu’un homme ou qu’une femme peut faire, le plus important est que chacun s’y retrouve « , finit-il par reprendre pour étayer son cheminement et balayer les clichés qui lui sont associés.
La profession de psychologue est réglementée. Cinq ans sont nécessaires pour y accéder. Formé à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Fayum en obtiendra deux masters : le premier pour lui permettre d’exercer la profession, le second pour s’orienter vers une recherche doctorale. L’étudiant décide de s’insérer professionnellement en offrant un suivi psychologique aux personnes âgées placées en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il finit ensuite par rentrer à Mayotte pour exercer au CHM, au sein du service addictologie. « Je suis mahorais, j’ai ma famille sur cette île« , argumente-t-il. Son retour sera ponctué par quelques allers-retours avec l’Hexagone avant d’en conclure : « Vous savez, Mayotte a besoin de nous, a besoin de spécialistes et d’accompagnement. Notre territoire a besoin de spécialistes mahorais et une offre de soins de qualité ! » Au fur et à mesure des séances, Fayum commence à offrir des soins en shimaoré : » Nous sommes sur une île où l’identification est importante, même si parfois les mots en shimaoré n’existent pas, cela permet de développer un lien thérapeutique« , explique-t-il.
Il découvre par la suite des patients avec des maux propres au contexte et à la situation mahoraise. « Les gens sont stressés par le travail. On ne sait pas quand on va rentrer. Ce qui peut générer des fatigues permanentes. Beaucoup de personnes en souffrent. » Ajouté à cela le stress des obligations sociales : « Le chikoa (tontine = Ndlr) nécessite de l’organisation, une décision, une planification. Votre entourage vous demande de débourser 1000 euros, et où pensez-vous les trouver si vous ne les avez pas ? » Avant de revenir sur les risques physiologiques d’une santé mentale non suivi : « À l’époque, on disait que les troubles squelettiques ne pouvaient atteindre que les personnes âgées de 50 ans et plus. Aujourd’hui à Mayotte même ceux de 40 ans sont touchés. »
Malgré quelques évolutions, le trentenaire reconnaît les réticences des Mahorais vis-à-vis des spécialistes de la santé mentale encore persistante. Malgré l’exercice d’une profession régie par un principe de confidentialité. Il souhaite une dernière fois nous prévenir sur l’importance de la santé mentale : « Il est important de créer des qualités de vie au travail et à la maison. Si on se lance dans un état vulnérable, les choses ne se feront pas. La santé mentale est déterminante.«
Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.