A Longoni, l’ONG Médecins du Monde accompagne des patients éloignés de toute structure de soins. La situation irrégulière d’une partie d’entre eux entrave leur accès aux soins.
L’équipe de Médecins du Monde n’a même pas fini de monter les tentes de sa permanence sociale que déjà une queue de patients se forme. Ils attendaient avec impatience l’arrivée du convoi de l’ONG présente à Mayotte. Ce mercredi 28 mai, la permanence médico-sociale prend ses quartiers à Longoni. “Nous intervenons ici car c’est un village très isolé et rural avec un certain nombre de personnes qui vivent dans des bidonvilles. Il n’y a pas de systèmes de soins à proximité et le seul qu’on trouve, c’est le dispensaire de Dzoumogné”, contextualise Caroline Codet, la superviseuse santé.
A Longoni, Médecins du monde a une file active de patients qu’elle accompagne régulièrement. Raïma* a rendez-vous ce 28 mai à la permanence. Cette habitante de Longoni ans a une maladie chronique, elle a subi une opération de la valve mitrale au niveau du cœur. Depuis, elle doit suivre scrupuleusement son traitement quotidien. “Le médecin m’a dit que prendre mes médicaments doit être la priorité, c’est même plus important que manger”, raconte-t-elle.
La fin des droits de la Sécurité sociale
Mais la femme de 51 ans risque de ne plus accéder à son traitement. Avec le blocage du bureau des étrangers de la préfecture, elle n’a pas pu renouveler son titre de séjour. A Mayotte, cela signifie qu’elle perd ses droits pour bénéficier de la Sécurité sociale. “C’est l’unique département français où il n’y a pas de maintien de droits, une fois que les papiers ne sont pas valables, les droits sont fermés”, explique Mohamed Moiouya, travailleur social présent lors des permanences qui accompagne les bénéficiaires dans leur accès aux droits.
Pour l’instant, Raïma paye avec ses économies ses médicaments, mais elle n’en a pas les moyens sur le long terme. Elle se les procure au dispensaire de Dzoumogné, ce jour-là elle est venue à la permanence car elle a appris que la pharmacie de celui-ci va fermer pendant un mois. Elle devra donc acheter ses médicaments dans les pharmacies de ville mais leurs prix sont bien plus élevés qu’au dispensaire et au-dessus de ses moyens. “C’est très compliqué, si je n’ai pas accès à mes médicaments au quotidien, je vais me sentir mal et mon état de santé va se détériorer”, s’inquiète-t-elle. “ Je ne travaille pas, je n’ai pas de mari, donc le fait de ne pas avoir accès à ces soins, c’est un gros problème financier.” Après la consultation, l’infirmière et la superviseuse santé décident de lui accorder une aide financière pour lui permettre d’acheter le traitement.
L’équipe effectue aussi des visites à domicile, ce jour-là, ils rendent visite à une patiente qui vit dans une case en tôle au sommet d’une colline. La résidente est atteinte d’un cancer de l’endomètre à un stade très avancé. “Désormais elle est en chimio palliative”, explique Camille Barré, une infirmière du CHM bénévole au sein de l’ONG depuis février. Les soignants lui rappellent comment prendre ses médicaments, comment appliquer le patch de morphine qui pourra soulager ses douleurs au niveau du ventre. “On s’est rendu compte que sa famille ne savait pas vraiment comment prendre certains de ses traitements”, observe l’infirmière. C’est souvent lié à la barrière de la langue qui entrave l’accès aux soins, pour pallier cela l’association emploie des interprètes dans son équipe.
Sanctuariser des lieux de soins
Le rôle de Médecins du monde est de faciliter l’accès aux soins, mis à mal selon eux par les contrôles de la police aux frontières aux abords des lieux de soins. “Nous demandons la sanctuarisation, c’est injuste de voir des personnes se déplacer pour se faire soigner et en fin de compte être interpellés. Cela stigmatise, cela traumatise la population en situation irrégulière”.
Depuis le passage du cyclone, la santé est reléguée à la dernière place pour les populations les plus précaires selon les observations de l’association. “La santé n’était pas leur priorité, la reprise de soins a lieu, les bénéficiaires sont contents de voir notre équipe mais ce qu’ils veulent d’abord ce sont des bons alimentaires”, remarque Caroline Codet, la superviseuse santé.
* Le prénom a été modifié.
Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.