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Depuis juillet 2017, Mayotte compte deux réfugiés rohingyas sur son territoire. Parmi eux, figure Naser, 28 ans. Apatride, le jeune médecin a été forcé de quitter l’année dernière le pays où il est né, l’Arabie Saoudite, la terre d’asile de ses grands-parents venus s’y installer il y a 70 ans après avoir fui la Birmanie. Une histoire atypique loin de la région de l’Arakan où se joue actuellement le sort de centaines de milliers de rohingyas victimes d’une répression menée par les autorités de Myanmar. 

« J’en avais marre de la vie que je menais ces dernières années. Entre la mort et le désir de mener une vie normale comme tout être humain, j’ai choisi de risquer ma vie en rejoignant la France, le pays des droits de l’homme ». Les paroles de Naser en disent long sur le calvaire qu’a traversé le jeune homme d’origine rohingya né à Médine (Arabie Saoudite). Arrivé en kwassa sur les rives du 101ème département le 28 juillet dernier, ce docteur de profession est venu chercher un statut de réfugié. Sans nationalité, il espère pouvoir s’installer en France durablement. 

Son histoire et celle de l’exil de sa famille ont débuté dans les années 50 et 60 alors que les Rohingyas commençaient à être victimes de persécutions en Birmanie. Après avoir transité par l’Inde, les grands-parents de Naser ont rejoint l’Arabie Saoudite  pensant pouvoir trouver la paix dans le berceau du monde musulman, à savoir la Mecque. Or, cela fait maintenant environ 60 ans que des centaines de milliers de Rohingyas installés dans ce pays vivent sans nationalité. C’est le cas de Naser et les siens. Bien qu’acceptée de rester sur leur territoire, les autorités de Riyadh n’ont jamais régularisé cette population et leurs enfants nés pourtant sur le sol saoudien. « Le roi Khaled ben Abdelaziz Al Saoud nous avait promis sous son règne (1975 – 1982, NDLR) de nous donner un statut, mais la procédure a été interrompue par son successeur Fahd ben Abdelaziz Al Saoud (1982 – 2005, NDLR) sans que l’on sache pourquoi », explique-t-il. 

Ainsi, de nombreux Rohingyas d’Arabie Saoudite se retrouvent dans une situation où il ne dispose ni d’une naturalisation ni d’un statut de réfugié. « Rien n’est prévu dans le système saoudien pour les personnes comme nous », s’indigne Naser. Mais pour pouvoir résider dans le royaume, le régime demande aux non-ressortissants de détenir des papiers de leur pays d’origine même s’ils sont nés en Arabie Saoudite comme Naser. Le droit du sol est un concept qui n’existe pas dans la plus grande nation de la péninsule arabique. « Mais nous en tant que Rohingyas, il est impossible d’obtenir un passeport birman, car l’État là-bas ne reconnait pas notre appartenance au pays bien que nos ancêtres en soient originaires », précise le jeune réfugié. Seule solution donc pour lui et sa famille, l’obtention de faux papiers d’un pays tiers. Naser s’est ainsi procuré un passeport pakistanais falsifié : « Le gouvernement saoudien sait que ce document n’est pas authentique, mais il s’en moque ». Si ces faux papiers autorisent les non-citoyens à rester en Arabie Saoudite, ils ne leur donnent néanmoins pas accès à certains services publics. « Nous n’avons pas le droit à la sécurité sociale, mais on nous autorise néanmoins à inscrire nos enfants à l’école publique jusqu’au baccalauréat. Pour ce qui est de l’entrée à l’université, elle nous est interdite même si personnellement j’ai pu poursuivre mes études supérieures en médecine grâce à mon faux passeport », raconte Naser. 

En 2012, lorsque la crise des Rohingyas a éclaté en Birmanie, l’Arabie Saoudite a réalisé qu’elle comptait environ 500 000 personnes de cette communauté sur son territoire. D’après le jeune docteur : « Le gouvernement nous avait promis l’accès à plusieurs droits. Il nous a même donné des cartes de résidents, mais ce n’est qu’un morceau de papier et les promesses sont restées lettre morte ».  

Autre problème pour les Rohingyas d’Arabie Saoudite, l’instauration d’une loi en 2007-2008 qui stipule que tout non-citoyen vivant dans ce territoire doit le quitter une fois qu’il a atteint sa majorité. « C’est la raison pour laquelle mes deux frères ont dû partir, l’un au Yémen et l’autre au Soudan. Mais moi, j’ai pu rester grâce à mon parcours scolaire et grâce au réseau de mon père », se souvient Naser. 

10 mois de prison et 90 coups de fouet pour avoir raccompagné une femme

Si ce dernier pensait pourvoir poursuivre tranquillement son cursus et obtenir un jour un travail, il a rapidement déchanté en 2013, année qui a été un tournant dramatique dans sa vie. « Alors que je ramenais une amie chez elle en voiture, nous avons été arrêtés par la police religieuse. Celle-ci me reprochait d’être accompagné d’une femme qui n’était pas une parente ou mon épouse. J’ai été donc détenu plusieurs jours en prison puis condamné par un juge sadique qui m’a infligé 10 mois de prison, l’obligation de quitter le pays à l’issue de mon incarcération, l’interdiction d’entrer et de séjourner à l’avenir en Arabie Saoudite ainsi que 90 coups de fouet (selon Naser, le bourreau place un livre entre son bras et le flanc de son corps l’empêchant de tendre le bras complètement et ainsi limitant l’impact des flagellations. De plus, la victime est habillée de plusieurs couches de vêtements au moment de l’exécution de la peine. C’est ce qui explique l’absence de marques sur le dos de Naser. Mais cette procédure n’a pas dispensé le malheureux de toute douleur instantanée lorsqu’il a été fouetté, NDLR).

Afin d’éviter de purger sa peine et d’obtenir une relaxe, Naser a donc fait appel en répétant plusieurs fois l’opération. « La Cour d’appel a reconnu que la peine était exagérée par rapport aux faits qui m’étaient reprochés, mais sa décision n’a qu’un avis consultatif. C’est la décision en première instance qui prime dans le système judiciaire saoudien », détaille le réfugié. Pendant ce temps-là, Naser découvre que sa situation est totalement bloquée : « Je n’avais plus le droit d’accès à des services simples comme louer une voiture. Je n’avais pas le droit d’exercer une activité professionnelle non plus. J’ai néanmoins réussi à travailler bénévolement dans un hôpital à Médine afin de pouvoir continuer à me former dans mon métier ». Mais en 2016, nouveau basculement, le père du jeune homme décède. Un événement qui compliquera un peu plus sa situation ainsi que celle de sa famille rattachée administrativement au statut du défunt. Naser tentera de lancer un nouvel appel, en vain. Exténué, il décide finalement de se rendre à la police et d’exécuter la peine reçue en 2013. « J’ai fait ce choix pensant qu’après avoir purgé cette sentence je pourrai convaincre les autorités de ne pas m’expulser et pouvoir démarrer une vie normale », explique-t-il. Pendant près d’un an, le jeune Rohingya va vivre un enfer entre tortures et violences en tout genre perpétrées par ses geôliers : « Ils m’ont pendu au plafond par les poignets, ils m’ont frappé, c’était horrible ». Une histoire à glacer le sang. Une fois son emprisonnement arrivé à son terme, Naser s’est vu dans l’obligation de quitter son pays natal. « Je ne voulais pas. J’ai crié, pleuré, menacé de me suicider, mais ils ne m’ont pas donné le choix puisque c’était soit j’accepte de partir soit j’allais rester en prison jusqu’à la fin de ma vie ». C’est à partir de ce moment-là que l’odyssée du malheureux a démarré.

Du Pakistan jusqu’à Mayotte en passant par le Soudan et les Comores

Étant en possession, d’un faux passeport pakistanais, décision est prise par l’apatride en janvier 2017 de voyager vers Islamabad (la capitale du Pakistan). « J’avais peur de ce qui m’attendait là-bas, car je ne parle pas la langue locale (le Pendjabi est la langue majoritaire dans ce pays, NDLR). Mais avec mon bon niveau d’anglais, je suis arrivé à me faire passer pour quelqu’un de riche ou d’important en transitant par l’espace VIP de l’aéroport d’Islamabad. J’ai été surpris qu’ils ne me posent pas plus de questions à la police aux frontières (Paf) ». Après un mois de séjour dans ce pays, Naser décide de rejoindre son frère au Soudan. Après un interrogatoire de plusieurs heures à l’aéroport d’Islamabad, l’intéressé obtient l’autorisation d’embarquer et de s’envoler pour Khartoum. « Une fois arrivée là-bas, la Paf soudanaise ne m’a pas retenu très longtemps à partir du moment où j’étais en mesure de payer un bakchich pour obtenir mon visa touristique ». C’est à partir de là qu’il a songé à rejoindre la France, car pour lui « c’est le pays des droits de l’homme et le meilleur endroit pour poursuivre une vie normale ». Il étudie donc les différentes options pour rejoindre « le pays des Lumières ». « J’ai envisagé de passer par la Lybie, mais j’avais peur d’être réduit en esclavage par les passeurs et d’autres conséquences. Je me suis donc renseigné sur les territoires français d’outre-mer et c’est comme ça que j’ai découvert Mayotte », décrit-il. C’est notamment en lisant l’histoire de Syriens fuyant la guerre dans leur pays pour chercher l’asile à Mayotte que Naser se lance dans la préparation de son voyage vers le 101ème département. Il étudie la carte de l’archipel et les moyens pour rejoindre l’île au lagon. 

1 500 € la traversée en kwassa  

Fin juillet, le Rohingya se lance dans l’aventure avec un compatriote en prenant un billet d’avion pour Moroni avant de prendre le bateau pour transiter par Anjouan, île depuis laquelle il prendra un kwassa. « A Domoni (ville située au sud d’Anjouan, NDLR) où nous avons embarqué, on nous a présenté une personne un peu âgée, un certain Nourdine. C’est un commerçant et une personne très importante là-bas paraît-il ». D’entrée de jeu, le malfaiteur emploie un ton très menaçant en vers les deux compagnons d’infortune : « bien que très élevée, nous avons accepté son offre de prendre un kwassa pour 3 000 € soit 1 500 € chacun. Nous avions peur des conséquences si nous refusions ». Ayant voyagé depuis Khartoum avec 4 500 dollars en poche issus de l’héritage de son père, c’est Naser qui paiera le ticket de son comparse. Et c’est dans une mer houleuse que le voyage vers Mayotte en bateau a démarré. « Certaines de nos affaires sont tombées à l’eau durant ce périple. On a bien cru qu’on allait y passer,  mais nous y étions conscients bien avant du risque que l’on prenait », raconte le médecin. Quelques heures après, l’embarcation a finalement atteint la côte mahoraise entre les villages d’Acoua et Mliha. « Le passeur nous a déposés sur une plage rocheuse. Nous avons marché 5 kilomètres pour rejoindre le premier village avant de prendre un taxi pour Mamoudzou. Une fois arrivés dans le chef-lieu, nous nous sommes déclarés à la police ». Mais quelle fût la surprise de Naser de voir que les agents ne les ont pas placés en détention, ni même interrogés ou confiés à leurs collègues de la Paf. « Ils ont été très respectueux. Ils nous ont conseillé au vu de notre situation de nous rapprocher de l’association d’aide aux migrants, Solidarité Mayotte », se souvient-il avant d’ajouter : « Le comportement de la police française m’a agréablement surpris, car j’ai tellement été habitué par les maltraitances de la part de la police saoudienne. Depuis, que je suis arrivé à Mayotte, je ne me suis jamais senti aussi libre et en sécurité malgré les problèmes de vol et violence dont on m’a parlé ici ». 

S’en sont suivis les démarches administratives auprès de l’organisme et quelques semaines à dormir dans les mosquées ou chez l’habitant avant de trouver enfin un toit. Naser a déjà rencontré en décembre dernier l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Il attend désormais de savoir si sa demande de statut de réfugié va être acceptée ou pas. « J’espère obtenir une réponse d’ici la fin du mois de janvier ». Pour le moment, le jeune homme essaie de survivre en vivant de petits boulots comme des cours particuliers d’arabe et d’anglais qu’il dispense afin de payer son loyer et sa nourriture. « Il me reste aussi quelques économies, mais je ne sais pas combien de temps cela va me permettre de continuer à payer mon loyer ». Il suit également des cours de français afin de pouvoir s’intégrer. 

Si sa demande est acceptée, Naser espère dans la foulée pouvoir faire reconnaître ses diplômes de médecine afin d’obtenir une équivalence avec une idée bien claire dans sa tête : « je souhaite faire bénéficier de mes compétences à Mayotte, car je sais que l’on manque de médecins ici. Néanmoins, j’espère aussi à terme, pouvoir poursuivre mes études et pour cela je serais peut-être obligé d’aller en métropole ».  Il nourrit également l’espoir de faire venir un jour son frère dans l’île au lagon. « Nous sommes des centaines de milliers de Rohingyas à être dans cette situation d’apatride. Nous n’avons nulle part où aller. Ma communauté est en train d’être éradiquée en Birmanie. Nous existons, mais nous ne sommes pas reconnus. On n’a pas choisi d’être Rohingyas, mais on est obligé de faire avec, de survivre… » 

 

 

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