La suspension du directeur général des impôts aux Comores soulève de nombreuses interrogations. Officiellement écarté pour des résultats jugés « insatisfaisants », Ahmed Djaffar, en poste depuis janvier 2023, laisse derrière lui un bilan pourtant salué en interne. Derrière cette décision ministérielle prise le 9 mai, plusieurs observateurs évoquent une mésentente persistante avec le ministre des Finances.
L’information est tombée samedi après-midi. Dans un arrêté, en date du 9 mai, le ministre comorien des Finances, Ibrahim Mohamed Abdourazak a suspendu, le directeur général des impôts (DGI), Ahmed Djaffar. Trois raisons sont évoquées pour justifier la mise à l’écart du DGI, en poste depuis janvier 2023. D’abord, les résultats « insatisfaisants » liés à la collecte des recettes fiscales, pour le compte de l’année fiscale 2024 et au 1er trimestre 2025. Ensuite il est reproché à Ahmed Djaffar de ne pas collaborer avec les autres directions pour faciliter les travaux et la politique de la transparence. Enfin, l’argentier de l’État, reconduit lors du récent remaniement, a motivé sa décision par le manque de performances par rapport aux objectifs fixés. A noter que la direction générale des impôts est la principale institution comorienne en charge de collecter les taxes comme la patente, la taxe sur la consommation, les vignettes pour ne citer que celles-là. L’arrêté précise qu’à compter de la date de la signature du document, c’est l’adjoint de Djaffar, Houssamidine Mohamed Ali, qui le remplacerait. Le désormais ex-directeur général des impôts n’a pas fait de déclaration après la publication du document le suspendant.
Taux de réalisation de 98% en 2024
Toutefois cette éviction suscite un tas de questions, à un moment où il est connu de tous que le ministre et l’ancien patron des impôts, ne s’entendaient pas. Les interrogations tournent aussi autour du premier motif, à savoir les mauvais résultats qui incluent le premier trimestre de 2025. Cela étonne plus d’un dans la mesure où pas plus tard que le 28 mars dernier, le quotidien de service public Al-watwan rapportait que la direction générale des impôts avait mobilisé la moitié des ressources demandées à cette période, soit plus de 2 millions d’euros. Ce qui a permis à l’État de verser deux salaires au mois de mars. « La direction générale des impôts a pu en un temps record, malgré les mesures d’accompagnement mises en place aux résultats, mobiliser la moitié des fonds qui ont aidé à payer deux mois de salaire. Il faut saluer ces efforts et rendre hommage aux services des impôts« , écrivait Al-watwan. A propos, toujours, de la faible collecte pour l’exercice de l’année 2024, Flash Infos a consulté un document interne indiquant que jusqu’au mois de décembre 2024, la direction générale des impôts avait bel et bien atteint une réalisation d’objectifs de près de 98%. Sur un montant prévisionnel de 14,4 milliards de francs, 14,1 milliards de francs (28,7 millions d’euros) ont été récoltés. « Comment peut-on nous reprocher de ne pas atteindre les objectifs du 1er trimestre de 2025 alors que le gouvernement a décidé des mesures d’accompagnement durant le mois de ramadan. Par exemple, la déclaration des impôts a été repoussée au 31 mai au lieu du 30 avril. Donc ces reproches n’ont pas de logique« , déplore une source de la direction générale des impôts.
Mésentente avec le ministre des finances
Cet interlocuteur qui a opté pour l’anonymat a apporté des éclaircissements sur l’absence présumée de collaboration entre l’ex-patron de la DGI et les autres institutions. « Ahmed Djaffar n’était pas seulement en bon termes avec le responsable de la direction des grandes et moyennes entreprises car il constatait trop de lenteurs dans les procédures et des insuffisances des contrôles fiscaux, or cette direction constitue le levier essentiel dans la mobilisation des recettes. Aujourd’hui, le ministre ne peut pas suspendre Djaffar pour insuffisance de recettes sachant que les recettes fiscales proviennent des grandes entreprises dont le directeur à sa tête n’est autre qu’un ami à lui « , dénonce notre source. A l’entendre, il existe un protocole d’accord entre les douanes et la DGI pour l’échange des données douanières en termes d’importations. Et ce sont ces données que la direction des grandes entreprises devrait utiliser pour contraindre les importateurs à déclarer leurs impôts. « Mais ce travail n’est pas réalisé« , se désole notre informateur qui pense que la suspension de l’ancien directeur général des impôts relève en partie d’une question de mésentente entre ce dernier et son supérieur hiérarchique, à savoir le ministre des finances, Ibrahim Mohamed Abdourazak. Avant le récent remaniement, Djaffar était cité à tort ou à raison de faire partie des potentiels successeurs d’Abdourazak avant la reconduction de ce dernier. A noter que début avril, dans le même sillage, on a vu émerger sur les réseaux sociaux, des accusations de détournements de fonds publics portées contre l’ex-Directeur des impôts ainsi qu’un conseiller du ministre des finances, qui lui est toujours en poste. Très vite, le ministère a sorti un communiqué dans lequel il disait prendre acte avec regret des allégations diffusées sur les réseaux sociaux tout en dénonçant ces comportements qui ternissent l’image de l’institution. Le ministère avait annoncé une enquête dans un souci de transparence.
Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
, 1er journal des ?? / @Reuters @el_Pais @mayottehebdo ??