“Mayotte a beaucoup à nous apprendre”, La BD “Le béton et le bambou” retrace les techniques de construction traditionnelle de l’île

La bande dessinée, Le béton et le bambou, propositions pour Mayotte et le monde (éditions Delcourt), fait honneur aux pratiques traditionnelles de Mayotte en matière de construction respectueuse de l’environnement. A l’ère du tout béton renforcé depuis Chido, elle fait l’éloge des savoir-faire enseignés par les fundis du territoire.

Plonger dans les traditions de Mayotte pour s’emparer d’idées et d’outils pour construire l’île de demain. C’est ce que propose la bande dessinée Le béton et le bambou, propositions pour Mayotte et le monde. Une bande dessinée conçue à six mains, par l’architecte Matthias Cambreling, l’illustratrice Aurélia Aurita et l’anthropologue Frédéric Joulian.

Le lecteur parcourt Mayotte en compagnie des trois auteurs à la rencontre des fundis qui enseignent leur savoir-faire sur le bambou et l’éco-construction. Par exemple, Babali qui leur apprend pourquoi il ne faut pas couper les arbres près des rivières, “ça fait de la fraîcheur pour les animaux, ils mangent, boivent et dans leurs déjections il y a des graines, avec ça on gagne plein de variétés d’arbres et puis c’est l’endroit des esprits aussi”, relate-t-il. Avec ce livre, les auteurs veulent “garder la mémoire et transmettre les savoir-faire d’artisans-jardiniers merveilleux qui montrent comment grâce à une herbe -le bambou –  chacun et chacune pourrait bâtir son foyer sans nuire au vivant, aux autres et à la nature”.

La qualité des pratiques traditionnelles

En 2018, lorsque Matthias Cambreling concevait des ouvrages bois du lycée des métiers du bâtiment de Longoni, il a été amené à travailler avec des fundis “Je me suis rendu compte de la qualité des pratiques traditionnelles de gestion des milieux et de construction, à la fois dans leur capacité à maintenir les services écosystémiques de l’île, à préserver les sols, les rivières, et à ne pas utiliser de produits chimiques pour limiter l’impact sur la biodiversité”, raconte-t-il.

Dans l’album, le lecteur découvre ces savoir-faire, expliqués de façon très accessible et amusante sans jamais être rébarbatif. C’est la force de la bande dessinée, démocratiser grâce à l’illustration des idées qui peuvent être complexes. “Depuis quelques années, la bande dessinée devient un médium sérieux pour véhiculer des informations”, observe Aurélia Aurita, l’illustratrice.

Une érosion des savoir-faire

Pour les auteurs, il est urgent d’évoquer ces pratiques traditionnelles car elles disparaissent. “La jeune génération et une partie de la précédente ne voient pas l’intelligence qui les entourent”, estime l’architecte. Pourtant à Mayotte, les fundis sont encore vivants contrairement à la France métropolitaine, une chance selon lui. “Dans l’Hexagone, ceux qui détenaient ces pratiques traditionnelles sont morts, ce sont nos arrières grand-pères, nos grand-pères.”Elles peuvent apporter des réponses concrètes aux enjeux de l’île tels que la ressource en eau, le maintien de la biodiversité et le développement économique. Un rappel utile aujourd’hui tandis qu’après Chido et les nombreux bâtiments détruits, la tentation du tout béton n’a jamais été aussi forte.

“Le modèle existe depuis des centaines d’années à Mayotte, il faut le prendre. Même s’il n’est pas simple, il est le plus adapté au territoire. Il n’y a pas besoin de prendre exemple sur un modèle qui se trouve en Indonésie”, considère l’architecte. D’un point de vue environnemental “pratiquement partout dans le monde, les transferts de technologies du Nord vers le Sud ont mené à l’échec”, analyse l’anthropologue Frédéric Joulian. D’où l’importance selon les auteurs de renouer avec les techniques locales dans l’utilisation du bambou et des matériaux locaux. La BD s’intitule “Propositions pour Mayotte et le monde” car “Mayotte a beaucoup à nous apprendre, juge l’illustratrice, elle meurt de ce rêve de modernité qui nous imprègne tous”.

Il n’est pas nécessaire d’être passionné d’architecture pour apprécier la bande dessinée, ni d’être incollable sur Mayotte. Au-delà du sujet de l’éco-construction, l’album raconte aussi l’histoire récente du territoire depuis son indépendance, le tout avec des illustrations pastel de très grande qualité et des métaphores très bien trouvées. Mayotte et les autres îles des Comores sont notamment représentées comme des sœurs en conflit. Pour les amoureux ou les nostalgiques de Mayotte, le récit véhicule bien les senteurs, les goûts et les paysages de l’île aux parfums comme une madeleine de Proust.

Pratique : La bande dessinée est disponible à la librairie La Bouquinerie à Passamainty, il est aussi possible de la commander en ligne sur le site de l’éditeur Delcourt . Prix : 23,75 €

Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.

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