La communauté mahoraise et la diaspora indienne sont en deuil. Mahbath-Kano Kamoula, mère de Momo Kamoula et figure emblématique de la restauration indo-mahoraise, s’est éteinte hier matin en métropole à l’âge de 85 ans, des suites d’une longue maladie. Avec elle disparaît l’une des dernières grandes voix d’une génération de pionniers qui ont façonné l’histoire culinaire et culturelle de l’île.
Une vie consacrée au goût, au partage et à l’accueil
Arrivée très jeune à Mayotte, Mahbath-Kano Kamoula s’était imposée au fil des décennies comme une personnalité incontournable du paysage gastronomique local. Son établissement, “Le Relais des amis”, situé sur le Rocher de Dzaoudzi, était devenu dans les années 1980 un passage obligé pour tous ceux qui souhaitaient découvrir ou retrouver les saveurs authentiques de la cuisine du monde avec la touche indienne et pizzas.
Ce restaurant, simple mais chaleureux, avait la réputation d’être un lieu où l’on venait autant pour manger que pour être accueilli. L’odeur des épices, la générosité des plats et l’hospitalité de la maîtresse des lieux avaient fait de ce petit coin du Rocher de Dzaoudzi un symbole de convivialité. À une époque où la diversité culinaire de l’île était encore limitée, “Le Relais des amis” avait ouvert la voie, devenant l’un des emblèmes de la restauration indienne à Mayotte.
Mahbath-Kano Kamoula travaillait sans relâche, animée par une passion profonde pour la cuisine comme pour les rencontres humaines. Sa table rassemblait toutes les générations, toutes les origines, et beaucoup se souviennent de sa façon unique d’unir les gens autour d’un plat de crabe farci, des achards de légumes et des premières pizzas de l’île préparés avec minutie.
Une femme respectée et aimée
Son décès a provoqué une véritable onde de choc au sein de la communauté indienne et au-delà. Beaucoup saluent la disparition d’une femme discrète mais d’une influence immense, dont la bonté comme la passion professionnelle ont marqué durablement les mémoires.
Pour ses proches, Mahbath-Kano Kamoula était avant tout une mère aimante, un pilier familial, une femme au courage silencieux, qui avait su transformer les épreuves de la vie en une force tranquille. Elle incarnait le sens du devoir, du travail, de la générosité — des valeurs aujourd’hui célébrées par ceux qui ont eu la chance de la connaître.
Un ultime voyage vers Mayotte
Conformément au souhait de sa famille, son corps sera rapatrié à Mayotte dans les prochains jours. Elle sera inhumée au cimetière des Indiens à M’tsapéré, un lieu chargé de mémoire et d’histoire.
Elle y reposera aux côtés de son mari et de son fils Mohamed Kamoula, plus connu sous le nom de Momo, fondateur de l’ancien restaurant “Le Reflets des Îles”, autre institution culinaire mahoraise autrefois située près de l’ancienne place du marché de Mamoudzou. Cette réunion symbolique entre une mère et son fils rappelle le lien profond que la famille Kamoula entretenait avec la gastronomie et la vie culturelle locale.
Un héritage qui perdure
Si Mahbath-Kano Kamoula s’en va, son héritage perdure. Elle laisse derrière elle une empreinte indélébile dans le paysage gastronomique de Mayotte. Beaucoup de restaurateurs à l’instar de son petit fils Iwan Kamoula, gérant du restaurant “Dagoni” (La maison) à Dzaoudzi reconnaissent aujourd’hui s’être inspirés de son travail, de sa détermination, et de sa vision de la restauration comme un art de vivre.
Sa vie fut une ode au partage, à la transmission et à la générosité. Et son souvenir continuera d’habiter les mémoires, les rues qu’elle a animées, les cuisines qu’elle a inspirées, et les tables qu’elle a rassemblées.
Soidiki Mohamed El Mounir, connu sous le nom de "Soldat", est une figure du journalisme mahorais. Après ses débuts à la fin des années 1980 au sein du magazine Jana na Léo, il participe à l’aventure du Journal de Mayotte, premier hebdomadaire de l’île, avant de rejoindre le Journal Kwezi. En 2000, il cofonde la Somapresse, société éditrice de Mayotte Hebdo et Flash Infos, contribuant ainsi à structurer et enrichir le paysage médiatique de Mayotte.






































