Disparition de Madi Youssoufa, Mayotte perd un pionnier et une mémoire vivante de son histoire

C’est une page de l’histoire de Mayotte qui se tourne. Madi Youssoufa, né le 30 août 1930, s’est éteint le lundi 6 octobre  à Madagascar, à Majungua, où il a été inhumé. La nouvelle de son décès a plongé l’île dans une profonde émotion. Figure emblématique, homme de devoir et de conviction, il fut non seulement l’un des tout premiers fonctionnaires de Mayotte, mais aussi le tout premier gendarme mahorais, un titre qui résume à lui seul la portée de son parcours exceptionnel.

À une époque où Mayotte n’était encore qu’à ses balbutiements administratifs, Madi Youssoufa a participé, aux côtés d’autres grandes figures telles que Georges Nahouda, à la mise en place des premières structures administratives du territoire. Dans un contexte de transition, marqué par les bouleversements politiques et identitaires de l’après-colonisation, il a su apporter rigueur, loyauté et discernement à une île en quête de repères.

Son engagement au service de l’État français et de Mayotte a contribué à façonner les fondations d’une gouvernance locale solide, fondée sur le respect, la responsabilité et la dignité.

Un trait d’union entre les Comores et Mayotte

Homme de dialogue, Madi Youssoufa a incarné un pont entre les Comores et Mayotte, deux terres sœurs liées par l’histoire, la langue et les familles. Au moment crucial du détachement de Mayotte de l’ensemble comorien, il a accompagné cette période avec sagesse, évitant les clivages et prônant l’unité dans la diversité.

Son rôle, souvent discret, fut pourtant essentiel : il représentait cette génération de Mahorais qui, avec courage, ont accepté d’assumer la complexité de l’histoire pour préserver la paix et l’avenir de leur île.

Au fil des décennies, Madi Youssoufa était devenu une véritable mémoire vivante. Connaisseur des lignages, des coutumes et des familles, il était l’un des derniers témoins directs de la construction de la société mahoraise moderne. Son regard, empreint de bienveillance, éclairait ceux qui cherchaient à comprendre d’où venait Mayotte et comment elle s’était bâtie, entre tradition et modernité.

Nombreux sont ceux – jeunes, chercheurs, élus ou simples citoyens – qui venaient l’écouter raconter l’histoire des Sorodas, des clans et des villages. Son savoir, transmis avec humilité, restera une source précieuse pour les générations futures.

Un homme de devoir et d’humilité

Dans le silence et la discrétion qui le caractérisaient, Madi Youssoufa a consacré toute sa vie à servir. Après sa carrière dans la gendarmerie, il n’a jamais cessé de conseiller, d’éclairer, de témoigner. Son autorité naturelle n’était pas celle des grades ou des titres, mais celle du respect, de la sagesse et de l’expérience.

Il était ce que l’on appelle à Mayotte un mzee –  un ancien, un sage – dont la parole apaisait et guidait. Ses proches, ses amis, ses anciens collègues, tous évoquent un homme profondément humain, attaché à la vérité et à la justice, animé par une foi inébranlable en l’avenir de son île.

Aujourd’hui, Mayotte perd un bâtisseur et un repère moral. Mais son héritage, lui, demeure. L’exemple de Madi Youssoufa nous rappelle qu’une société se construit sur la mémoire, le respect des anciens et la fidélité à ses racines.

À travers sa vie, c’est tout un pan de l’histoire mahoraise qui continue de vivre : celle des débuts modestes, des efforts collectifs et du courage tranquille de ceux qui ont cru en Mayotte avant qu’elle ne devienne ce qu’elle est aujourd’hui.

Alors que sa dépouille repose en terre malgache, Mayotte, elle, garde son souvenir vivant.

Que son nom reste à jamais gravé dans la mémoire de l’île, et que les jeunes générations se souviennent que, bien avant les institutions modernes, il y eut des hommes et des femmes comme Madi Youssoufa , des pionniers, des gardiens, des bâtisseurs.

Madi Youssoufa était également le voisin de votre journal à Cavani M’tsapéré depuis sa création en mars 2000. Nous garderons de lui un voisin discret et respectueux.

L’équipe de la Somapresse s’associe à la douleur de sa famille et adresse ses sincères condoléances.

Soldat
Journaliste

Soidiki Mohamed El Mounir, connu sous le nom de "Soldat", est une figure du journalisme mahorais. Après ses débuts à la fin des années 1980 au sein du magazine Jana na Léo, il participe à l’aventure du Journal de Mayotte, premier hebdomadaire de l’île, avant de rejoindre le Journal Kwezi. En 2000, il cofonde la Somapresse, société éditrice de Mayotte Hebdo et Flash Infos, contribuant ainsi à structurer et enrichir le paysage médiatique de Mayotte.

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