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24h avec… Un fou. Itinéraire d’un malade mental

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Nous tous les apercevons, aux quatre coins de l’île et particulièrement dans Mamoudzou, la capitale. Reconnaissables par leur apparence – cette façon unique qu’ils ont de se vêtir, de s’exprimer ou de se déplacer, ces hommes solitaires visiblement frappés par un sérieux trouble psychologique sont légion à Mayotte.

 

Pourtant, aucune quelconque structure de prise en charge sur l’île n’existe pour les encadrer. Alors ils errent dans les rues et au bord des routes, se transformant en danger ambulant, pour eux-mêmes et pour les autres.

Ceci dans l’indifférence totale des Mahorais et des autorités mahoraises ! Durant 24h, nous avons suivi l’un de ces fantômes, au parcours complètement aléatoire. Une journée périlleuse, pour le moins hors du commun.

 

6h

A l’aube naissante, les premières lueurs sont apparues. Un moment où le trafic routier est encore fluide dans la capitale en ce jour de semaine. Mais cela ne saurait tarder. Dans le canton de Mamoudzou 1, les dos d’âne et autres rond points à Tsoundzou et Passamaïnty ralentissent peu à peu la circulation.

Au bord des routes, les premières personnes apparaissent. Des adultes non véhiculés stoppent les premiers taxis de la journée.

Des écoliers attendent les transports scolaires… Et, non loin de là, à Tsoundzou 2, un homme, affalé sur le trottoir, observe les automobilistes du Sud défiler sur la route, en direction du Grand Mamoudzou.

Il est torse nu, porte un pantalon de fortune avec – ce qui s’apparente à – une prise électrique en guise de ceinture, et n’a pas de chaussures. D’où vient-il ? A-t-il dormi ici, à même le sol ? A-t-il, ne serait-ce, dormi ?

Les premières interrogations fusent déjà dans ma tête tandis que l’embouteillage se forme lentement mais sûrement. Assis au milieu de nulle part, l’homme est perceptible. Il attire l’attention. « C’est difficile de ne pas le voir », reconnait une passante, peinée par la situation du malheureux. « Même si on fait semblant de ne pas le regarder, on le regarde quand même, quelques secondes ou un peu plus longtemps. » 

En effet, en un peu plus d’une heure d’observation du personnage et du monde qui l’entoure, pas un seul piéton ni un seul conducteur ne passe sans le dévisager ou le guetter du coin de l’œil. Mais, lui, reste stoïque. On jurerait fixer une statut si ses yeux ne clignaient pas…

 

« Lui au moins est gentil, contrairement à d’autres qui agressent nos clients »

 

 

8h30

Après m’être éclipsé, combien de temps encore l’individu est resté assis au sol, avant de décider de se lever ? Je me le demande. Quoi qu’il en soit, je le retrouve à Tsoundzou 1, dans la fameuse allée des boulangeries.

Assis sagement devant l’une d’elles, il observe à nouveau l’embouteillage. La même scène se reproduit : cet échange de regards entre les automobilistes au ralenti dans l’embouteillage, et lui. Des villageois lambda viennent acheter leur pain. En âme charitable, certains lui en proposent. Il accepte, ne remercie pas, mange sans se presser.

Ce matin-là, il n’aura rien d’autre que du pain et de l’eau. « Des personnes comme lui, ils sont beaucoup et défilent toute la journée. S’ils sont là, c’est parce que les gens donnent, ils savent qu’ils vont manger », indique le responsable d’une des boulangeries, affecté par le phénomène des malades mentaux comme il l’explique.

« Certes il a perdu la tête, mais lui au moins est gentil, il ne fait pas d’histoires. Contrairement à d’autres qui entrent carrément dans la boulangerie et agressent les clients. Le problème c’est qu’on n’ose pas les toucher, sous peine que les autorités se retournent contre nous en disant qu’il n’est pas normal et qu’il ne fallait pas réagir. Seulement combien de fois nous l’avons signalé aux forces de l’ordre… Mais ils ne se déplacent jamais pour ça, ils disent que ce n’est pas de leur ressort. Du coup on apprend à vivre avec, jusqu’à ce qu’un client craque et leur fasse du mal », prédit le commerçant.

 

Là où la chaleur, la fatigue, la faim ou la soif freinerait toute personne ordinaire, rien ne semble arrêter l’individu dans son périple.

 

10h20

L’homme se lève enfin des escaliers de la boulangerie. Il se dirige vers Passamaïnty. Même si je garde en tête que tout est possible, je suis loin de me douter à ce moment-là qu’une longue marche mixée de quelques foulées m’attendent… Ses déplacements révèlent l’étendue de son inconscience.

Sur la route nationale, l’individu ne semble pas discerner la limite entre l’espace piéton et la voie routière. De fait, il oblige les véhicules à se décaler et se déporter sur la voie de circulation inverse. Forcément, les klaxons hurlent, les noms d’oiseau fusent, en français, en shimaoré. Ils sont durs, mais les entend-t-il ?

A Passamaïnty, l’individu reste sur le principal axe routier, enchainant les allers et retours entre le rond point de la croix rouge et le collège de Passamaïnty. Puis soudain, il prend la direction du Sud, se met à courir. Tsoundzou 1, Tsoundzou 2, Ironi-Bé, Tsararano… C’est à Dembéni que s’achève son trajet, soit 15 km plus loin !

 

12h

Je retire mes chaussures et plante la paume de mes pieds sur le goudron de la route nationale, pour tester. Mais il faut la résistance d’un marcheur du feu pour durer dessus. L’expérience ne dure que quelques secondes avant que je ne sautille vers le sol ombré. Comment diable a-t-il pu marcher et courir les pieds nus, pendant plus d’une heure, sur cette route goudronnée, tapée de plein fouet par le soleil cuisant ?

Pourtant, là où la chaleur, la fatigue, la faim ou la soif freinerait toute personne ordinaire après un tel effort, rien ne semble arrêter l’individu dans son périple. Et, c’est sans exprimer le moindre signe d’affaiblissement que le cavaleur reprend la route. Avec, toujours, cette variation de marche et de trots dans son allure.

 

 

« Ça fait de la peine, mais on ne peut rien faire pour eux »

 

 

13h10

Face à cette épreuve physique, je ne me démonte pas. Je continue cependant de garder soigneusement mes distances pour ne pas me faire remarquer… Jusqu’à cette pause que l’intéressé s’octroie à Tsararano, debout, aux abords du plateau polyvalent, à proximité de la route.

– Bonjour !

– …

– Bonjour !

– …

Je tente une dernière fois d’ouvrir la discussion.

– Bonjour !

– …

Aucun mot, aucun geste. Je n’aurai qu’en réponse un regard vide. Je n’insiste pas plus, m’écarte et laisse à nouveau le temps s’écouler. Les voitures vont et viennent, les automobilistes passent et le dévisagent, lui les fixe et les regarde s’éloigner, de droite à gauche, de gauche à droite. Comme une impression de déjà vu…

 

15h

Dembéni ; nous sommes maintenant aux alentours du stade de football où est disposé un marché. Trois heures que le déjeuner est passé, mais l’homme n’a rien mangé, ni rien demandé à manger. Les marchandes, elles, sont désintéressées.

– Vous connaissez cet homme ?

– Oui, on le voit souvent, mais il ne s’arrête jamais devant nous. Il passe et rentre à Dembéni où il passe et va vers Mamoudzou. Ça fait de la peine de voir quelqu’un comme lui. Il y en a plein, même à Dembéni. Mais on ne peut rien faire pour eux.

 

L’art de s’évanouir dans la nature…

 

17h45

Retour à Mamoudzou ; Le soleil se couche au loin derrière le Mont Bénara. Forcément, le sol est moins brûlant mais cela importe peu à l’individu. Il n’a toujours rien aux mains, au torse ni aux pieds. Il longe les routes de Passamaïnty à Doujani, de Doujani à M’tsapéré, de M’tsapéré à Kavani, de Kavani à la barge… toujours aussi dangereusement.

Là encore, sa destination finale semble indéterminée. La seule cohérence dans ses déplacements est sa constance dans les voies empruntées : des routes abondamment fréquentées par les automobilistes et les piétons.

 

19h

C’est cette fois aux abords de la rocade de Mamoudzou qu’il erre, autour des réputés camion snack. « On lui donne parfois les restes des repas des clients. Il arrive qu’il se fasse payer un sandwich, mais c’est rare », témoigne un client régulier de la place. Ce soir-là, pas de sandwich ni de reste de repas… c’est du côté d’une pizzéria, non loin de là, qu’il pourra calmer son appétit, grâce, une nouvelle fois, à la générosité de certaines personnes.

« Nous donnons quand nous avons. Pour le coup, nous avons donc nous donnons. Après on a dû se recommander une pizza parce qu’on n’était pas rassasié mais ce n’est pas grave », confie ce couple. La route reprend, parts de pizza à la main pour l’homme à la ceinture en câble électrique. Vers où ?

 

20h20

A Ironi-Bé entre les communes de Mamoudzou et Tsararano, la nuit est sombre. Seuls les phares des voitures éclairent le personnage dans cette zone inhabitée. Alors qu’il n’avait jusque là jamais dévié des voies routières, l’homme s’introduit dans la forêt et disparaît dans la nature, dans le noir absolu, signant brusquement la fin de la filature.

 

5h30

Où s’est-il faufilé la nuit dernière ? A-t-il un abri de fortune ? De nouvelles questions me taraudent l’esprit. Je décide de revenir à l’endroit où il m’a échappé. Alors que le jour se lève je réintègre le parchemin et sillonne cette étendue de forêt quelques minutes. Pas de cabane. Aucun signe de vie. Le dernier acte d’une curieuse expérience, qui demeurera pleine de mystères…

 

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1082

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