Dans une île en proie à une crise de l’eau depuis 2017, Nabiib Mze Boinaidi propose une alternative locale et durable à l’eau en bouteille. À travers son entreprise Maji Mewou, il incarne une nouvelle génération d’entrepreneurs sociaux à Mayotte.
Mayotte connaît depuis 2017 une crise de l’eau sans précédent. Les Mahorais, confrontés aux coupures et à la mauvaise qualité de l’eau du robinet, se tournent massivement vers l’eau en bouteille. Mais pour Nabiib Mze Boinaidi, ingénieur technico-commercial de 28 ans, cette dépendance n’est pas une fatalité. En 2023, il fonde Maji Mewou, une entreprise qui propose des systèmes de filtration pour offrir une alternative fiable et écologique à l’eau embouteillée.
« Je suis fier d’avoir montré un autre moyen de consommer, beaucoup de Mahorais pensent encore que les bouteilles d’eau sont indispensables », confie-t-il à Flash-Infos. Le jeune entrepreneur, originaire de Sada, sillonne désormais l’île pour équiper les foyers en dispositifs de filtration performants, tout en menant une réflexion plus large sur la consommation et la gestion des ressources à Mayotte.
Du choc économique à l’éveil entrepreneurial
Diplômé d’un master en ingénierie des dispositifs de santé obtenu à Montpellier, Nabiib n’a pourtant pas suivi un parcours scolaire linéaire. Peu motivé à l’école, il reconnaît avoir puisé son inspiration dans des modèles de réussite médiatiques. Mais les réalités économiques l’ont vite rattrapé.
Sans bourse étudiante, contraint de vivre avec quelques centaines d’euros en métropole, puis confronté à un salaire peu valorisant lors d’un job d’été à Mayotte, il prend conscience de la nécessité d’orienter ses choix vers des secteurs porteurs. Une stratégie qui l’amène à rejoindre la franchise réunionnaise de Samsung Médical, où il acquiert des compétences précieuses en gestion et en commerce.
Une solution locale face à l’urgence écologique
C’est dans le cadre de son activité professionnelle que lui vient l’idée de créer Maji Mewou. Lassé de devoir acheter sans cesse des packs d’eau, il décide de s’attaquer à la racine du problème : la qualité de l’eau disponible à Mayotte. « L’eau du robinet me rend malade. Je ne peux pas me permettre de la boire, au risque de tomber malade », explique-t-il.
Avec Maji Mewou, il entend également répondre à l’urgence environnementale que représente la prolifération des bouteilles plastiques sur l’île. « Le dérèglement climatique est bien réel pour l’environnement de Mayotte. On ne peut plus accepter cela », insiste-t-il.
Le lancement de Maji Mewou ne se fait pas sans heurts. Sur les réseaux sociaux, certains l’accusent de tirer profit de la détresse des habitants. D’autres lui conseillent plutôt d’investir dans l’immobilier. Des critiques qu’il encaisse avec lucidité : « Si j’avais vraiment voulu m’enrichir, il me suffirait de livrer des conteneurs avec de l’eau et leurs palettes », répond-il.
Sa mère, sceptique au départ, est aujourd’hui l’une de ses premières soutiens. Et les résultats sont là : les retours positifs de ses clients et la croissance du chiffre d’affaires confortent Nabiib dans ses choix. L’entrepreneur mise sur la communication et les réseaux sociaux pour faire connaître sa solution, et rêve déjà d’exporter son concept vers d’autres îles de la région.
Avec Maji Mewou, Nabiib Mze Boinaidi prouve qu’il est possible d’allier innovation, écologie et entrepreneuriat social. À Mayotte, il incarne une voie nouvelle : celle de ceux qui entreprennent pour résoudre les problèmes du territoire.
Journaliste, aussi passionné par les paysages de Mayotte que par sa culture. J’ai toujours une musique de rap en tête.