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Mansour Kamardine : « L’État cherche toujours à pointer l’incompétence des élus »

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Quand la population mahoraise prépare la riposte

Sur les réseaux sociaux ou dans la rue, formellement ou spontanément, les initiatives se multiplient pour répondre à la délinquance qui flambe à nouveau sur l’île aux parfums. Au risque, parfois, de voir l’exaspération prendre le pas sur la loi. 

Mayotte : une naissance dont ils se souviendront

Une naissance dans la rue, ce n’est pas si courant. C’est pourtant ce qu’ont vécu Jonathan et Mouna, lundi 18 mai, date à laquelle Sarah, leur petite fille, a décidé d’arriver. Un évènement auquel ont participé quelques passants, sur les lieux par hasard. Et quand s’improvise une chaîne de soutien, cela donne une belle histoire. Récit. 

À Mayotte, “le confinement a révélé la capacité perverse de certains à faire du mal aux autres sans qu’ils ne s’en rendent compte”

Deux mois de confinement peuvent en dire long sur un individu, mais ils peuvent également dévoiler les pires et les meilleurs aspects d’une société. La crise sanitaire a mis en évidence les failles de la société mahoraise, partagée entre la conscience de certains et l’irresponsabilité des autres. Le sociologue Combo Abdallah Combo nous explique pourquoi il est urgent de tirer les leçons de ce confinement et essayer de changer la donne. 

Camille Miansoni, procureur de Mayotte : “Mon rôle est de protéger la société avant tout”

L’affaire du rapt en Petite-Terre qui suscite l’émoi dans l’ensemble du Département est révélatrice de nombre de maux dont souffre la société mahoraise au sein de laquelle nombre de personnes semblent valider l’idée que l’on puisse se faire justice soi-même à défaut d’une carence supposée de l’État. Le procureur de la République, Camille Miansoni, revient ici sur ces éléments. C’est aussi l’occasion pour lui de rappeler le rôle qu’il occupe et la vision qui l’anime alors que les critiques pleuvent sur sa personne.

Le député LR Mansour Kamardine ne mâche une nouvelle fois pas ses mots à l’égard de l’État, qui aurait une grande part de responsabilité dans la nouvelle crise de l’eau qui nous pend au nez. Le parlementaire n’en peut plus de voir les élus locaux se faire lyncher alors qu’ils ont les mains liées.

Flash Infos : Dans votre dernier communiqué, vous relatez que l’État a failli et doit demander à l’entreprise qu’il a payée rubis sur l’ongle en 2017 de fournir 5.300 mètres cubes jour prévus par le contrat imposé aux responsables locaux…

Mansour Kamardine : Le « plan eau » remonte à 2016. Mayotte avait été confrontée pour la première fois de son histoire à une véritable crise de l’eau. À la veille des échéances, le gouvernement avait promis de livrer des tankers d’eau mais c’était sans compter sur une opposition féroce des Réunionnais qui ne voulaient pas qu’on aille pomper de l’eau chez eux. Voilà pour le premier volet de la lutte contre cette crise. Et puis, il était prévu également un certain nombre d’investissements, parmi lesquels la construction d’une usine de dessalement en Petite-Terre de façon à pouvoir produire quelque chose comme 5.300 mètres cubes jour, assurant une auto-suffisance pour les Petits-Terriens. Compte tenu du fait qu’il s’agit d’une denrée sensible, l’État a décidé, contre l’avis du Sieam de l’époque, la passation sous le sceau de l’urgence de ce marché de construction de l’usine de dessalement, dans le cadre d’une opération conception/réalisation. Plus intéressant encore, cette opération a été décidée sans appel d’offre. C’est-à-dire que l’État a fait le choix de confier ce projet à l’opérateur historique de la distribution à Mayotte. Un choix étonnant car les règles du marché public prévoient la mise en concurrence des acteurs.

Cette réalisation devait être réceptionnée aux alentours de juin 2018. Pour un montant total de 8 millions d’euros, largement financée par les fonds européens. Deux ans après la date de réception des travaux, l’usine ne produit que 500 mètres cubes jour, soit un dixième. On est donc loin, loin, du compte ! Souvent dans les marchés, il y a des clauses permettant de prononcer des sanctions financières si l’opérateur ne satisfait pas à ses obligations de respect des délais. À ma connaissance, il n’y en a pas eu malgré ce retard.

 

FI : Mardi, vous avez rencontré le préfet pour évoquer la situation de la crise qui se profile, qu’est-il ressorti de votre rendez-vous ?

M. K. : J’ai proposé, par une application bête et mécanique de la loi du contrat, qu’à défaut d’une sanction pécuniaire prononcée, que l’on demande à l’opérateur, qui a failli à sa tâche, de nous livrer des tankers d’eau. Si je devais caricaturer, le préfet m’a répondu : « Vous les Mahorais, de quoi je me mêle, cet argent ce n’est pas vous qui l’avez payé ! ». Drôle de conception de l’utilisation des fonds publics… C’est ce qui me fait dire que l’État n’est pas à sa place dans cette affaire. On ne peut pas se laisser entendre dire que nous n’avons pas notre mot à dire et que nous devons laisser les choses se faire comme elles se font. S’agissant des investissements, je note que ce sont des fonds européens, destinés à améliorer la situation sociale quotidienne des populations de Mayotte. Sans eux, il n’y aurait pas eu de fonds européens. Même si ce n’est pas le budget direct des collectivités locales qui finance les opérations, c’est quand même le contribuable français, et donc mahorais, à travers la contribution de la France dans le budget européen, qui finance. Par conséquent, nous avons un droit de regard sur l’utilisation de cet argent ! Cette lecture des choses est inacceptable dans une démocratie, qui plus est avec un niveau de développement général comme le nôtre. Et surtout, je ne peux pas imaginer que l’État s’accroche à être le gestionnaire des fonds européens pour les utiliser dans ces conditions.

Autre chose qui choque, ces situations-là mériteraient que l’on vérifie la régularité de l’emploi de ces fonds. On a l’impression qu’il y a deux justices : quand un Mahorais se trompe, il est mis en examen, quand un fonctionnaire de l’État confond sa poche personnelle avec celle de l’État, il prend un vol bleu et bass. Tout cela crée des doutes et des interrogations.

FI : À l’échelle locale, il y a aussi eu des couacs, notamment du côté du Sieam, qui ont amené l’État à intervenir par le biais du préfet. Avec cette nouvelle élection et le changement de gouvernance, pensez-vous que cela peut changer la donne au niveau du syndicat pour aller encore plus vite et mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard accumulé ?

M. K. : Nous n’avons pas la même analyse ! Que le syndicat ne soit pas au top, c’est un secret de polichinelle. Que le syndicat n’ait pas été en mesure de consommer les 140 millions d’euros du plan d’urgence, c’est une lecture erronée. Les difficultés sont apparues le jour où le syndicat a exigé de son délégataire une relecture du contrat d’affermage. Et c’est à ce moment-là que toutes les tares du syndicat sont apparues au grand jour. Ça, c’est une réalité constante.

Si personne ne conteste la réalisation des travaux, le Sieam a commis l’erreur fatale de ne pas solliciter la mobilisation des fonds dans le délai imparti. Du coup, il se trouve en difficulté budgétaire, c’est-à-dire qu’il est en déficit. Le Sieam a demandé une dérogation, qui n’a pas été accordée. Tout simplement parce que l’État a commencé à faire de la politique lorsque le président a exigé des comptes au délégataire. Au lieu d’être à côté du syndicat, l’État a pris position face à lui. C’est la raison pour laquelle le préfet a répété à tous ceux qu’il croisait, qu’il ne verserait pas à un seul centime au Sieam tant que Bavi serait en responsabilité. Jean-François Colombet a décidé de ne pas financer le syndicat, et donc de le bloquer et de l’asphyxier.

Ceci explique que le délégué du gouvernement s’est fortement impliqué dans l’élection du nouveau bureau. Au point où l’on peut se demander s’il n’était pas lui-même candidat à la succession de Bavi. Ce sont des choses que l’on ne rencontre, malheureusement, qu’à Mayotte. Venir dire que le syndicat a failli, moi je me souscris en faux. Il y a sans doute des fautes à reprocher au syndicat, mais il y a aussi l’attitude de l’État à pointer du doigt, qui s’est immiscé dans l’action des élus. En disant cela, je ne dis pas que l’ancien président était bon, je dis simplement que l’État est sorti de son rôle naturel pour s’installer dans le fauteuil politique. Avec leur homme providentiel à la tête du syndicat, l’État mettra peut-être les bouchées doubles pour terminer les commandes. Parce que tous les marchés que le syndicat avait signé avec les entreprises en 2018-2019 pour réaliser les travaux ont été résiliés.

FI : Si l’État annonce mettre la main à la poche pour le développement de Mayotte, on a l’impression à vous entendre qu’il a du mal à laisser les autorités locales prendre la pleine gestion des dossiers…

M. K. : Regardez le plan de convergence, que j’appelle le plan de divergence. À titre d’exemple, il y a 500 millions d’euros pour le financement des constructions scolaires. Aucunes d’entre elles ne sont sorties de terre depuis sa signature. Pourquoi ? Parce qu’il y a une défiance de l’État vis-à-vis des élus locaux, qui sont considérés comme des voleurs, des corrompus. Alors pour contrôler l’utilisation de cette manne financière, tout est regroupé à la tête de la Deal. Mais cette dernière peut être comparée à la Fable de la Fontaine : la Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf. C’est-à-dire une Deal qui n’a pas les moyens et qui concentre toutes les maîtrises d’œuvre des collectivités. Conséquence : aucune école n’a vu le jour ! Je demande que l’État reconnaisse que ces opérations sont de la compétence exclusive des communes. Ainsi consommerons-nous les crédits alloués. Sinon en 2022, on viendra nous dire que les communes n’ont pas été à même de construire alors qu’en réalité, on ne leur en a jamais donnés les moyens. C’est exactement ce qu’il s’est passé au Sieam.

Autrement dit, on a des écritures budgétaires qui ne sont pas financées, mais qui permettent une communication purement politicienne pour dire « Voilà l’argent, mais les élus mahorais sont incompétents ». Or, les communes de Mayotte investissent depuis 40 ans dans l’ingénierie ! Le problème vient plutôt des Deal, qui ont juste un rôle de contrôle, de conception, d’accompagnement, et qui avec la décentralisation, ont perdu leurs compétences techniques.

FI : Concernant la construction de la troisième retenue collinaire, qui ferait un bien fou alors que les deux autres viennent seulement d’être reliées, cette affaire traîne en longueur depuis plusieurs années maintenant. À qui la faute ?

M. K. : Là encore, je vous renvoie au rapport que j’ai rédigé en juin 2019 sur la proposition de loi de développement économique et des infrastructures à Mayotte. Le terrain pressenti était au départ celui de la famille Bamana à Ourovéni. De son vivant, Younoussa avait donné son accord de principe. Puis, après sa mort, les relations intrafamiliales ont fait que les autorités du Sieam n’ont pas pu conclure dans des délais raisonnables. Toujours est-il qu’il y a un peu plus de 2 ans, le Sieam a pris une délibération demandant la déclaration d’utilité publique (DUP) sur la parcelle. La DUP est un arrêté préfectoral, une compétence exclusive de l’État. Deux ans plus tard, il n’a toujours pas été pris, pourquoi ? Dans cette histoire, ce n’est pas le Sieam qui est défaillant, puisqu’il a fait la démarche. On peut tout dire sur les élus, mais une chose est certaine : sans la DUP, il ne peut y avoir une poursuite des opérations !

Il faut sortir de ce schéma dans lequel l’État cherche à nous enfermer, à toujours pointer l’incompétence des élus alors qu’au fond, il ne veut pas mettre les moyens budgétaires et financiers nécessaires à la réalisation des infrastructures de développement et de rattrapage du territoire. On n’a pas la compétence absolue, on peut se tromper. Mais si on se trompe, l’État, qui se considère être le seul sachant, doit nous concerner et nous dire comment procéder. Les Mahorais ont bien compris le jeu, Mayotte accuse d’un énorme retard, il faut les moyens mais l’État ne veut pas les donner. Il veut juste capter les fonds européens destinés à Mayotte pour aller financer d’autres collectivités. Voilà la triste réalité ! C’est choquant et inacceptable surtout que la faute retombe ensuite sur les élus !

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