Le grand ménage avant la visite ministérielle

Les vestiges du cyclone Chido ont miraculeusement trouvé le chemin de la décharge. Non pas au rythme des urgences quotidiennes des habitants, mais dans l’urgence très particulière d’une mise en scène républicaine à l’approche de la visite de Naima Moutchou, la ministre des Outre-mers attendue le 13 décembre prochain. Ce brusque élan de propreté n’est pas le fruit d’une politique de long terme ni d’un plan structuré de gestion des déchets post-catastrophe, mais plutôt d’un réflexe bien rodé : celui de rendre l’île présentable pour les caméras des chaînes de télévision nationale.

Selon de nombreux témoignages, les opérations de nettoyage se seraient intensifiées sur les axes stratégiques, ceux empruntés par les convois officiels. Car derrière les gravats, les coques de bateaux éventrées et les amoncellements de polyester brisé, c’est une logique ancienne qui refait surface : à Mayotte, on peut s’habituer à l’abandon, mais pas à l’embarras visuel du pouvoir central.

Le message implicite est cruel. Le Mahorais peut vivre des mois, parfois une année entière, entouré d’épaves, de tôles arrachées et de déchets devenus partie intégrante du paysage. Cela ne semble pas constituer une urgence nationale. En revanche, l’œil des membres du gouvernement ne saurait s’accommoder d’une telle “imperfection” sur la carte postale républicaine.

Dans le 101ᵉ département, la logique reste la même : on nettoie là où passent les cortèges, on repeint les murs visibles depuis les caméras, on pousse la poussière et les débris un peu plus loin, hors champ. La misère ne disparaît pas, elle est simplement déplacée.

Derrière cette opération de façade, une question demeure : pourquoi faut-il une visite ministérielle pour que des moyens soient débloqués ? Pourquoi la dignité quotidienne des habitants ne suffit-elle pas à déclencher ces interventions ? La gestion post-cyclonique, au lieu de répondre aux besoins des populations, semble se plier aux impératifs d’image.

L’opération pourrait presque porter un nom officiel : “Cachez cette misère que je ne saurais voir”. Rendre l’île propre serait donc une question de calendrier politique. Il ne s’agit plus d’aménager durablement le territoire, mais de lisser sa surface pour quelques heures d’apparat.

Au fond, cette séquence révèle un malaise plus profond : celui d’une République à deux vitesses, où l’urgence esthétique prime parfois sur l’urgence sociale. Pour Mayotte, la propreté ne serait pas un droit, mais un décor.

Soldat
Journaliste

Soidiki Mohamed El Mounir, connu sous le nom de "Soldat", est une figure du journalisme mahorais. Après ses débuts à la fin des années 1980 au sein du magazine Jana na Léo, il participe à l’aventure du Journal de Mayotte, premier hebdomadaire de l’île, avant de rejoindre le Journal Kwezi. En 2000, il cofonde la Somapresse, société éditrice de Mayotte Hebdo et Flash Infos, contribuant ainsi à structurer et enrichir le paysage médiatique de Mayotte.

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