“ Il y a 4.000 artisans à déployer pour reconstruire Mayotte”

A la tête de la chambre consulaire qui compte le plus d’acteurs économiques sur le territoire (4000), le Président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA), Madi Fahar, ne s’était pas encore exprimé publiquement depuis sa prise officielle de fonctions en décembre 2024.  Il plaide en faveur d’une intégration de l’ensemble des Mahorais dans la reconstruction et un effort financier exceptionnel des pouvoirs publics dans l’accompagnement des artisans locaux.

Flash Info : Quelle approche comptez-vous adopter dans le cadre de la reconstruction de Mayotte et la relance économique post Chido ?

Madi Fahar : Avant notre arrivée aux affaires à la tête de la CMA Mayotte, nous étions informés sur les difficultés que traverse cette institution. C’est même pour cette raison que notre équipe a choisi de solliciter le suffrage de nos paires pour venir contribuer à leur résolution. Nous avons conscience de ne pas pouvoir tout résoudre en un seul mandat, mais nous sommes résolus à régler le maximum de ce qui sera possible de faire en insufflant une nouvelle dynamique propice à un changement radical. Pour rappel, nous sommes arrivés aux affaires le 3 décembre 2024. Une semaine après le cyclone Chido s’est abattu sur l’île. Certes, il est à ce jour la plus grande catastrophe ayant impacté l’ensemble des Mahorais, toutefois, à quelque chose malheur est bon dirons-nous. Il nous contraint à revoir notre logiciel quant à la façon de rebâtir ce territoire. Au centre de ce questionnement, il y a automatiquement l’ensemble des acteurs opérant en faveur du développement de notre département, en particulier les artisans et les maçons. En langue locale, la CMA se traduit par la maison des petites mains travailleuses, des petites mains qui se comptent au nombre de 4.000, des entrepreneurs identifiés et répertoriés par nos services. Ces 4.000 artisans constituent un chiffre très important, à déployer pour reconstruire Mayotte dévastée par le cyclone Chido. Il est impératif de les aider à s’organiser avant de se lancer dans la reconstruction que nous appelons tous de nos vœux. Autrement ils ne pourront jamais intégrer le dispositif mis en place par les hautes autorités du pays en vue de rebâtir l’archipel.

F.I : Pourriez-vous préciser votre pensée ?

M.F :  Premièrement, nous nous apercevons que le gros des entreprises qui se préparent à œuvrer dans cette reconstruction proviennent de l’extérieur en dehors de Mayotte) et l’ensemble du système reste indifférent au sort des PME mahoraises pour cause d’un défaut de garantie décennale. Cette assurance décennale a pour but de couvrir les travaux réalisés par l’entreprise en cas de défaillance ou de malfaçon. Malheureusement beaucoup de nos PME n’arrivent pas à la contracter. Deuxièmement, il y a les charges patronales qui pèsent lourdement dans la trésorerie de ces petites entreprises. La caisse de sécurité sociale de Mayotte a aligné ses procédures sur celles de la métropole, sans tenir compte de l’état de fragilité de nos artisans et des particularités du tissu économique local. Au final, un nombre important d’artisans n’arrivent pas à suivre, or une attestation de la CSSM est indispensable pour permettre à nos adhérents de répondre aux marchés qui se projettent dans l’après Chido. Il y a également les impôts qui viennent s’ajouter. Depuis ma prise de fonction, j’ai maintes fois pu faire le point sur l’ensemble de ces difficultés et proposé à mon équipe de nous mobiliser pour trouver une solution à ce problème de la garantie décennale. En parallèle, il nous importe d’envoyer en formation sur toutes ces questions quelques-uns de nos adhérents, capables de lire et d’écrire le français avec une bonne maîtrise des langues locales, afin qu’ils puissent à leur tour devenir des formateurs pour leurs collègues moins instruits. Si vous allez sur le terrain vous vous apercevrez que ce sont tous de bons artisans pour la plupart, quelques soit leur domaine de compétence, mais qu’un grand nombre d’entre eux ont des difficultés à s’occuper de tout ce qui est paperasse. Il n’y a que par ce canal-là que nous réussirons à repositionner toutes les petites et moyennes entreprises dans cette course vers la reconstruction de Mayotte.

F.I : Quelles sont concrètement les attentes de la CMA vis-à-vis de l’Etat dans la reconstruction ?

M.F :   Personnellement, j’ai eu plusieurs échanges avec le Préfet de Mayotte depuis ma prise de fonction. J’ai eu l’opportunité d’aborder avec lui le besoin de nos artisans de prendre part à cette reconstruction du territoire. Ces discussions ont permis d’assurer que 30 % des marchés de la reconstruction bénéficieront aux petites entreprises locales. Le préfet s’est montré très à l’écoute de cette doléance et a souhaité que les parlementaires mahorais s’en saisissent pour le défendre dans le cadre de la loi sur la refondation de Mayotte. La persévérance de la sénatrice Salama Ramia et de la députée Estelle Youssouffa a porté ses fruits au Parlement au moment du vote du texte dans les deux chambres. C’est un pas très important pour l’entreprenariat local, il nous faut à présent réfléchir sur comment matérialiser tout cela.

F.I : Quel est votre opinion personnelle sur la question de la reconstruction et la refondation de Mayotte ?

M.F :  Il faut admettre que la situation demeure très compliquée. La plupart d’entre eux sont dans une fragilité évidente, ils sont très inquiets de n’avoir toujours pas perçu les aides promises par l’Etat et le Département. Sans ce coup de pouce financier, il leur sera impossible de sortir la tête de l’eau. Il y a urgence pour eux de monter dans cette locomotive de la reconstruction de Mayotte avant que le train ne se mette en marche. C’est pour cette raison que je lance ici un appel solennel en direction des services de l’Etat et nos parlementaires afin qu’ils puissent véritablement apporter leur soutien concret dans le financement des formations que j’ai évoqué précédemment au début de cet entretien. Cette démarche est indispensable pour permettre à tous d’obtenir l’assurance décennale qui leur permettra de poursuivre leurs activités professionnelles. Ces formations vont pallier le manque criants de diplômes chez bon nombre d’entre nous et reconnaître le savoir-faire acquis par eux dans le passé.

Journaliste politique & économique

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