Flambée de violence à Madagascar : ils ont vécu la peur de leur vie

Une grosse frayeur pour des touristes mahorais coincés dans leurs chambres d’hôtel à Antananarivo, Majunga et Diégo-Suarez. Ils se souviendront longtemps des quatre jours de violences qui ont marqué la semaine écoulée. Mais plus de peur que de mal : le retour à Mayotte s’effectue sans difficultés particulières.

Vacanciers, hôteliers, commerçants ou résidents permanents à Mayotte – pour certains détenteurs de la double nationalité franco-malgache – se sont retrouvés bloqués à Majunga, Antananarivo ou Diégo-Suarez, dans le nord de la Grande Île, en pleine révolte populaire contre le pouvoir d’Andry Rajoelina, l’actuel chef de l’État malgache. Incendies, pillages et destructions de biens publics et privés ont émaillé la semaine, faisant craindre le pire aux visiteurs étrangers, peu habitués à ces flambées de violence dont le peuple malgache a le secret lorsqu’il décide d’en découdre avec le régime en place.

Tout a commencé par une protestation populaire : des milliers d’hommes et de femmes sont descendus dans les rues pour dénoncer les coupures d’eau et d’électricité dans la capitale. Les manifestations ont rapidement dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. Le mouvement s’est ensuite propagé à plusieurs villes de province, notamment Majunga, dans l’ouest de la Grande Île, et Diégo-Suarez, dans le nord.
En fin de semaine dernière, on déplorait déjà plus d’une trentaine de blessés et moins d’une dizaine de morts, selon des sources non officielles mais corroborées par des organisations non gouvernementales comme la Croix-Rouge. Des informations également relayées par la presse étrangère et plusieurs ambassades, qui ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre à Madagascar.
Ces scènes d’une rare violence ont rappelé à certains expatriés les épisodes qui avaient précipité la chute des régimes de l’amiral Didier Ratsiraka et de son successeur Marc Ravalomanana.

« Ce n’est plus le moment de faire des affaires, il faut rentrer à Mayotte »

Les ressortissants mahorais présents sur l’île rouge ont craint le pire, surpris par cette autre facette du peuple malgache à laquelle ils ne sont pas habitués.
« Il faut être sur place pour voir ça, ce sont des scènes d’une extrême violence », témoigne Saïd Omar Hamidou, originaire de Dzaoudzi-Labattoir, joint par téléphone vendredi depuis Antananarivo.
« Pour le moment, ce sont surtout des affrontements entre Malgaches, forces de l’ordre et manifestants, mais il y a énormément de dégâts matériels et financiers. Nous ne savons pas comment tout cela va finir. Apparemment, le chef de l’État malgache se trouverait aux Nations Unies, à New York, et les manifestants craignent que son retour n’entraîne une nouvelle flambée de violences. Nous sommes coincés dans les hôtels, la peur au ventre, mais, à ma connaissance, aucun touriste n’a été pris à partie. »

Hachim Mohamed Abdou, habitant de Bandraboua dans le nord de Mayotte, importe des produits agricoles depuis différentes provinces malgaches, notamment le Vakiniankaratra (Antsirabé).
« C’est le chaos ici. Il faut savoir se faire tout petit pour passer inaperçu, éviter de sortir de l’hôtel quand ce n’est pas indispensable. Je cherche à avancer mon départ pour Mayotte et à annuler les rendez-vous que j’avais prévus avec des producteurs en brousse. Ce n’est pas le moment de faire des affaires car on ignore complètement la tournure que peuvent prendre les événements. »

Son problème : il est censé reprendre son vol vers Mayotte au départ de Majunga, mais les informations dont il dispose font état de scènes similaires là-bas – pillages, incendies et répressions.
« Je ne sais pas quoi faire. Je pense que je vais être obligé d’attendre que la situation se calme un peu avant d’envisager un déplacement à Majunga », confie-t-il.
Jeudi soir, il a appris, par le personnel de son hôtel, qu’un avion français n’avait pas pu se poser et avait été dérouté vers l’île de La Réunion.

Un retour progressif au calme après trois jours de couvre-feu

Houmadi Omar Abdillah séjourne encore à Majunga avec sa femme et leurs deux enfants. Des amis connaissant bien la région de Boeny leur avaient conseillé d’attendre la mi-septembre, fin de la haute saison touristique, pour profiter de vacances plus calmes, loin de la foule habituelle des touristes mahorais.
« L’idée n’était pas mauvaise, mais là il n’est plus du tout question de vacances : nous devons sécuriser au plus vite nos enfants. Ici, tout est fermé, nous n’arrivons pas à contacter les bureaux d’Air Austral pour modifier nos dates de retour. Aucun taxi n’ose circuler à cause des violences, les manifestants ont déjà brûlé et pillé de nombreux magasins en centre-ville. Il est hors de question pour nous de quitter l’hôtel, où nous sommes en sécurité pour le moment. »

Le jeune père explique que des Malgaches incitent les touristes à rester encore quelque temps, afin de ne pas donner aux autorités un prétexte pour faire intervenir l’armée et mater la révolte.
L’une de ses connaissances, originaire de Sada, a toutefois réussi vendredi après-midi à rejoindre l’aéroport d’Amborovy grâce à des complicités locales, en empruntant un touk-touk.
« Apparemment, les bureaux d’Air Austral sont ouverts là-bas et il a pu obtenir une place pour Mayotte sur un vol d’Ewa Air. »
Aux dernières nouvelles, le couple et ses deux enfants devraient refouler le sol mahorais ce lundi, malgré une reprise en main progressive de la situation sécuritaire par les autorités malgaches.
Un couvre-feu a été décrété depuis vendredi, et le retour de New York du chef de l’État, Andry Rajoelina, aurait quelque peu apaisé les tensions.

Plus de peur que de mal, donc, pour les ressortissants français de Mayotte, qui n’en garderont pas moins le souvenir d’une frayeur intense.

Journaliste politique & économique

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes

À la Une