Usine de dessalement d’Ironi Bé : les associations environnementales saisissent la justice

Le projet d’usine de dessalement d’eau de mer à Ironi Bé, présenté comme une solution pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable de l’île, se heurte à une opposition de plus en plus déterminée. Lundi 22 septembre, les associations Mayotte Nature Environnement (MNE), France Nature Environnement et le Gepomay ont annoncé avoir déposé un recours en justice pour tenter de bloquer le chantier. Elles dénoncent un projet à fort risque écologique et un manque de transparence des autorités.

L’usine de dessalement, dont la mise en service est prévue pour 2027, doit produire 10 000 mètres cubes d’eau par jour. Elle est censée mettre un terme aux rationnements récurrents qui frappent Mayotte, régulièrement confrontée à des épisodes de sécheresse et à un réseau de distribution vieillissant.
Pour l’État et les collectivités, ce projet constitue une réponse urgente aux besoins croissants d’une population en forte augmentation. Mais pour les associations écologistes, « augmenter la production en eau, oui, mais pas au prix du patrimoine mahorais ni au risque d’un désastre écologique », souligne la MNE dans un communiqué.

Des risques pour le lagon et la biodiversité

Les opposants redoutent surtout l’impact des rejets de saumure, un résidu très salé issu du processus de dessalement, qui serait déversé dans le lagon mahorais. Selon eux, l’accumulation de sel et de substances chimiques pourrait provoquer un effondrement de la biodiversité marine, fragiliser les mangroves et détruire les récifs coralliens.
La MNE évoque également des menaces directes sur la réserve naturelle de l’îlot M’Bouzi et sur la passe en S, l’un des sites les plus emblématiques du lagon. « La construction implique aussi le défrichement de l’arrière-mangrove d’Ironi Bé, un écosystème déjà classé en danger critique d’extinction par l’UICN, ainsi que la destruction d’un habitat abritant des espèces protégées dont le Crabier blanc », détaillent les associations.

Un dialogue de sourds avec la préfecture

Depuis plusieurs mois, les organisations environnementales tentent de faire entendre leurs arguments auprès de la préfecture. Courriers officiels, demandes de documents, recours gracieux : toutes ces démarches sont restées sans effet, le dernier recours ayant été rejeté.
Les associations dénoncent par ailleurs un manque d’information sur le choix du site, le calendrier précis des travaux ou encore le respect des études d’impact. Elles pointent notamment une autorisation d’occupation temporaire (AOT) délivrée « sur la base d’une étude d’incidence qui n’a pas été respectée, notamment sur la période à éviter pour les travaux ». La MNE demande ainsi la suspension immédiate des opérations durant la période critique pour le Crabier blanc, entre septembre et février.

La justice comme dernier recours

Face à ce qu’elles qualifient de « déni de démocratie » et d’« atteinte à la loi », Mayotte Nature Environnement, France Nature Environnement et le Gepomay ont donc décidé de porter l’affaire devant les tribunaux. Leur objectif : faire annuler les autorisations délivrées et forcer les autorités à étudier des alternatives, telles que la réduction des fuites du réseau, la mise en place de forages supplémentaires ou la récupération d’eau de pluie.

Ce bras de fer judiciaire intervient alors que Mayotte connaît une crise de l’eau sans précédent, alimentant un débat sensible entre urgence sanitaire et protection du lagon, joyau naturel classé au patrimoine mondial de l’Unesco. La décision de la justice sera scrutée de près par les Mahorais, partagés entre le besoin vital d’eau potable et la préservation d’un environnement déjà fragilisé.

Soldat
Journaliste

Soidiki Mohamed El Mounir, connu sous le nom de "Soldat", est une figure du journalisme mahorais. Après ses débuts à la fin des années 1980 au sein du magazine Jana na Léo, il participe à l’aventure du Journal de Mayotte, premier hebdomadaire de l’île, avant de rejoindre le Journal Kwezi. En 2000, il cofonde la Somapresse, société éditrice de Mayotte Hebdo et Flash Infos, contribuant ainsi à structurer et enrichir le paysage médiatique de Mayotte.

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