« Parce que là, vous avez un exemple incroyable d’une société, sur un petit territoire, totalement déséquilibrée par les flux migratoires. Or, ce sont des musulmans, ils sont noirs (…) ».
Ces propos, tenus le 6 février 2025 sur la chaîne de télévision LCI par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau au sujet des immigrés de Mayotte, font l’objet d’une plainte pour provocation à la haine et à la discrimination. Me Khadija Aoudia, ancienne bâtonnière du barreau de Nîmes, a annoncé vendredi 8 août avoir saisi la Cour de justice de la République pour ces mêmes motifs.
Lors de son intervention, le ministre évoquait une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte et dénonçait ce qu’il qualifiait de « submersion ». « C’est simplement qu’aucune société, quelle que soit sa culture, ne peut supporter une proportion où il y a, comme le disait le Premier ministre, une submersion », affirmait-il.
Ce qui est reproché à Bruno Retailleau n’est pas sa position générale sur l’immigration, mais le lien explicite qu’il a établi entre la couleur de peau, la religion des personnes visées et ce qu’il considère comme un « déséquilibre » de la société mahoraise.
Une plainte nourrie par une année de prises de position
Dans sa plainte, Me Aoudia dresse un bilan critique de la première année de Bruno Retailleau à la tête du ministère de l’Intérieur, en listant plusieurs déclarations et décisions qu’elle juge problématiques. Elle dénonce une vision de la France « limitée à une origine ethniquement européenne et issue d’une seule civilisation judéo-chrétienne », une position qui, selon elle, rappelle « des périodes troubles de notre histoire ».
Un préalable à la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme.
Consciente que les chances de succès devant la Cour de justice de la République sont faibles — en près de trente ans, 22 000 requêtes ont été déposées, seules 56 ont été transmises au procureur général et 6 ont donné lieu à un jugement — Me Aoudia considère cette démarche comme une étape stratégique avant de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Son objectif : faire constater « une atteinte au droit à un procès équitable dès lors que les mesures qui sont mises en place ne permettent pas à tous les justiciables de faire valoir leur cause ».
L’avocate bénéficie du soutien de ses pairs, après avoir été la cible d’une vague de haine sur les réseaux sociaux.