Un guichet unique pour améliorer les évacuations sanitaires à Mayotte

La proposition de loi pour étendre l’aide médicale d’Etat à Mayotte était examinée à l’Assemblée nationale ce jeudi. Sa rapporteure, Estelle Youssouffa, l’a finalement retirée, après les annonces du ministre de la Santé, notamment la création d’un guichet unique pour permettre des evasan programmées.

Étendre l’aide médicale d’Etat (AME) à Mayotte est la solution envisagée par la députée Estelle Youssouffa pour désengorger le système de soins sur le territoire. La députée du Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) a déposé une proposition de loi en ce sens présentée à l’Assemblée nationale ce jeudi. Finalement, elle n’a pas été soumise au vote car l’élue a retiré sa proposition, satisfaite des mesures présentées devant l’Assemblée nationale par le ministre de la Santé, Yannick Neuder.

En vigueur dans l’ensemble du territoire national sauf à Mayotte, la députée a démontré à la tribune de l’hémicycle « l’injustice que crée l’absence d’AME » dans le département. Elle déplore le fait que les étrangers en situation irrégulière « représentent 40 % des patients au CHM », qu’ils sont pris en charge gratuitement sans payer de cotisation à la différence des affiliés sociaux. Ces derniers payent « à travers les cotisations qui financent la dotation de l’hôpital […] Ils le payent aussi pour le sacrifice de leur santé parce que l’engorgement de l’hôpital pour la prise en charge de ses non-assurés entraîne un sentiment d’éviction pour les Français de Mayotte, qui est scandaleux ».

Des evasan « au propre frais » des Mahorais

Conséquence de cette saturation du CHM, « il n’y a plus de place pour les chirurgies programmées ou toute autre forme de soins spécialisés », fustige Estelle Youssouffa. Ce phénomène d’engorgement s’observe aussi dans les évacuations sanitaires (evasan), les « étrangers en situation irrégulière occupent 40 % des places evasan de Mayotte », appuie la députée. Un mahorais rencontre des difficultés pour être evasané sauf en cas d’urgence, ce qui les conduit à aller se faire soigner à La Réunion ou en métropole « à leur propre frais », dénonce-t-elle. Elle a décrit les conséquences du fonctionnement actuel à partir de témoignages qu’elle a recueillis, notamment un homme qui a été atteint par une pierre à l’œil gauche lors d’une agression. Faute de spécialiste, il n’a pas reçu d’actes médicaux à Mayotte. Evasané quatre jours plus tard à La Réunion, « il a entièrement perdu la vue à l’œil gauche ».

La médecin de ville « embryonnaire » à Mayotte

Selon la rapporteure de la proposition de loi, la mise en place de l’AME à Mayotte permettrait de déplacer les patients étrangers non régularisés vers la médecine de ville et leurs consultations seraient remboursées. Un avis qui n’est pas partagé par le ministre de la Santé, Yannick Neuder. Lui considère que « l’AME à Mayotte ne permettra pas de résoudre les problèmes de santé et d’accès aux soins». « Si l’offre de soins locale n‘était pas aussi hospitalo-centrée, l’AME pourrait constituer une réponse », estime-t-il. Mais à ce jour, le Centre hospitalier de Mayotte (CHM) assure « 72 % de l’offre de soins » et la médecine de ville demeure « embryonnaire et saturée », expose-t-il. Le nombre de médecins libéraux est « trop faible pour rendre efficace et utile cette AME », tranche-t-il.

En revanche, pour améliorer l’accès aux soins, le ministre a annoncé la création d’un guichet unique pour permettre des evasan programmées après accord préalable, sur un modèle qui existe déjà en Corse. Une mesure qui vise à permettre « l’égalité de prise en charge entre tous les assurés, pour que chaque mahorais dispose des soins dont il a besoin ». Ce dispositif sera mis en place « d’ici fin juillet ».

En parallèle, Yannick Neuder a présenté un plan d’attractivité pour « créer les conditions pour rester et se projeter sur le long terme » à Mayotte. Il comprend une amélioration du dispositif de l’indemnité particulière d’exercice, propre au personnel hospitalier mahorais, des mesures dérogatoires pour faciliter l’embauche de praticiens contractuels, une exonération fiscale des gardes et d’astreinte pour les libéraux participant à la permanence de soins et la création d’une prime d’engagement spécifique aux sages-femmes.

Une première année d’étude de santé à Mayotte ?

Des mesures sont aussi prévues pour renforcer les formations en santé dans le département pour « former mieux et au plus près des besoins ». Il souhaite lancer prochainement une mission générale de l’inspection des affaires sociales et une autre de l’inspection de l’éducation, du sport afin d’étudier l’opportunité, la faisabilité, et les modalités de mise en œuvre d’une première année d’accès aux études de santé ainsi que d’une première année de maïeutique à Mayotte. Le ministre a aussi rappelé qu’un deuxième institut de formation en soins infirmiers (IFSI) ouvrira ses portes « dès 2026 » avec 40 places. A la suite de cette présentation, Estelle Youssouffa a déclaré satisfaite que « ces annonces sont pour le bénéfice des assurés sociaux pour Mayotte » et a décidé de retirer sa proposition de loi.

Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.

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