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Pêcher pour survivre à Mayotte

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Comme sur toutes les îles, le poisson fait fureur à Mayotte. Fraîchement pêché tous les jours, il est présent dans de nombreux plats traditionnels mahorais. La pêche fait donc partie intégrante de la société sur l’île et la pratique n’a pas vraiment changé ses codes. Si certaines poissonneries ont ouvert ou certaines associations de pêcheurs se sont formées, la majorité travaille à son propre compte, sans être déclaré, et ça, depuis des années.

J’ai mon bateau, le même depuis 10 ans, avant ça, j’avais celui de mon père”, explique Ahmedi*, alors qu’il s’apprête à partir une nouvelle fois en mer. Le fils n’a toujours fait que pêcher, d’abord avec son patriarche, puis seul, petit à petit. Mais tous n’ont pas eu la chance d’avoir un tel mentor avant de se jeter à l’eau. Pour beaucoup, arrivés à Mayotte depuis les îles voisines, il a fallu se débrouiller, pêcher pour faire bouillir la marmite. Qui, sinon, restait bien vide, faute de papiers pour s’en sortir. “Ces gars, ils arrivent ici ils ne connaissent rien, et on les met sur des barques avec des bidons d’essence, en pleine nuit”, soupire Ahmedi. Baigné dedans depuis tout petit, le jeune pêcheur n’a pas vraiment peur de la mer. “Je sais quels jours je ne dois pas y aller, c’est tout”, ajoute-t-il d’un air malicieux.

 

Moins cher qu’ailleurs

 

Ahmedi vend sa poiscaille de trois à sept euros le kilo. Tout dépend de la bête. “Le thon, c’est 5”, lance-t-il à son client en posant un poisson sur la balance. 3 kg. Ravi de son achat, le badaud repart avec son sac plastique rempli de sa prise du jour et de glaçons. Le vendeur le regarde partir au loin, la mine satisfaite. Chaque jour, il écoule ainsi 10 à 15 kilos de marchandises et n’a presque aucune perte. On peut l’apercevoir dans les rues de Mamoudzou, traînant dans sa brouette bringuebalante une glacière et sa balance. “Sardine combien ?”, l’interpelle une dame qui ramène ses enfants de l’école. Vendu ! La cuisinière en grillera cinq sur son barbecue ce soir. “Je sais qu’ils sont frais, et c’est moins cher qu’au Baobab !”, explique la mère de famille, qui préfère acheter son poisson de cette manière, tout comme ses fruits et légumes. Et la voilà qui repart le sourire aux lèvres, l’odeur de son futur plat déjà dans les narines.

 

Une mise en danger des espèces du secteur de la pêche

 

L’argument a de quoi peser dans la balance, certes. Mais si un grand nombre de pêcheurs sur l’île fonctionne de cette façon, la pêche est soumise à de nombreuses réglementations, surtout depuis la départementalisation, en 2011. Et toute cette pêche informelle ne peut pas être comptabilisée par les associations de protection de l’environnement, qui tentent de préserver le Parc marin mahorais. Il est donc difficile de faire état des espèces à protéger, pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses sur l’île. “Je ne fais pas attention aux poissons que je pêche”, assure Ahmedi. Avant de reprendre, d’un air songeur : “s’il est assez gros pour être vendu, je le prends…” Heureusement, lui ne se contente que de nos amis à écailles. D’autres n’hésitent pas à remonter des tortues ou des raies Manta, des espèces protégées et par conséquent, interdites à la pêche et à la commercialisation. Une pratique qui pourrait, à long terme, avoir des conséquences fatidiques sur la faune sous-marine mahoraise.

L’autre revers de la médaille, c’est que ce grand nombre de pêcheurs informels constitue aussi un frein dans la professionnalisation de la filière sur l’île. Malgré les aides pour des formations et du matériel, beaucoup choisissent de ne pas se déclarer, par peur de ne plus gagner assez d’argent. “Si on se déclare, on doit vendre le poisson plus cher à cause des charges. Les gens n’achètent pas s’il y a moins cher ailleurs”, analyse Ahmedi, en fin observateur de la concurrence. Son ami n’a pas eu le nez aussi creux : lui ne vend plus que 5 kilos par jour, contre 15 avant d’avoir été déclaré, affirme le pêcheur informel.“Il ne gagne plus assez pour avoir un employé. Alors qu’avant, il avait deux bateaux”. Décidément, la pêche sur Mayotte semble bien coincée entre deux courants contraires, concurrence déloyale d’un côté, et respect des réglementations de l’autre.

La brouette d’Ahmedi est presque vide à l’approche du coucher de soleil, synonyme d’une bonne journée de travail. Il la pose un instant pour s’essuyer le front. “Ce qu’il reste, je vais le vendre en rentrant chez moi”, réfléchit-il à voix haute. Demain, quatre heures, il sera de retour sur l’eau, sa lampe à la main et ses bidons d’essence, empilés sur sa barque.

* Le prénom a été modifié

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