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26/02/2010 – Tribune libre : Bacar Ali Boto

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Quand la population mahoraise prépare la riposte

Sur les réseaux sociaux ou dans la rue, formellement ou spontanément, les initiatives se multiplient pour répondre à la délinquance qui flambe à nouveau sur l’île aux parfums. Au risque, parfois, de voir l’exaspération prendre le pas sur la loi. 

Mayotte : une naissance dont ils se souviendront

Une naissance dans la rue, ce n’est pas si courant. C’est pourtant ce qu’ont vécu Jonathan et Mouna, lundi 18 mai, date à laquelle Sarah, leur petite fille, a décidé d’arriver. Un évènement auquel ont participé quelques passants, sur les lieux par hasard. Et quand s’improvise une chaîne de soutien, cela donne une belle histoire. Récit. 

À Mayotte, “le confinement a révélé la capacité perverse de certains à faire du mal aux autres sans qu’ils ne s’en rendent compte”

Deux mois de confinement peuvent en dire long sur un individu, mais ils peuvent également dévoiler les pires et les meilleurs aspects d’une société. La crise sanitaire a mis en évidence les failles de la société mahoraise, partagée entre la conscience de certains et l’irresponsabilité des autres. Le sociologue Combo Abdallah Combo nous explique pourquoi il est urgent de tirer les leçons de ce confinement et essayer de changer la donne. 

Camille Miansoni, procureur de Mayotte : “Mon rôle est de protéger la société avant tout”

L’affaire du rapt en Petite-Terre qui suscite l’émoi dans l’ensemble du Département est révélatrice de nombre de maux dont souffre la société mahoraise au sein de laquelle nombre de personnes semblent valider l’idée que l’on puisse se faire justice soi-même à défaut d’une carence supposée de l’État. Le procureur de la République, Camille Miansoni, revient ici sur ces éléments. C’est aussi l’occasion pour lui de rappeler le rôle qu’il occupe et la vision qui l’anime alors que les critiques pleuvent sur sa personne.

 

 

 

{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}a concrétisation d’un idéal porté par plusieurs générations fait naître ainsi un immense espoir de la part des Mahorais. Mais très rapidement le doute s’installe. Les Mahorais s’interrogent et s’inquiètent. Des certitudes tombent. La Chambre territoriale des comptes annonce un déficit de plus de 72 millions d’euros, puis de 92 millions pour la Collectivité départementale. "Déficit", ce mot barbare et insaisissable pour les personnes qui ne sont pas initiées aux jargons comptables et financiers est perçu par une grande majorité de la population comme synonyme de faillite, de banqueroute et détournement de fonds publics.

L’image du conseil général, jadis emblème de la réussite économique et sociale par excellence, s’effondre brutalement. Les interventions et déclarations publiques insuffisamment préparées, voire maladroites, de certains élus accentuent la déception et le scepticisme de la population. Les échanges au sein de l’hémicycle Younoussa Bamana entre la majorité et l’opposition donnent l’impression de privilégier les querelles de personnes au détriment du débat d’idées et des enjeux réels du développement de l’île. Un sentiment général de rejet de toute la classe politique s’installe au sein de la population.

Ce peuple, anciennement profondément croyant, respectueux des institutions et de leurs représentants respectifs, du droit d'ainesse et de la hiérarchie sociale, devient fatalement plus réactif, contestataire, méfiant, pessimiste et sceptique au point de ne plus faire confiance à ses dirigeants.

Les électeurs ne croient plus aux promesses des candidats. Ils ne votent plus pour un bilan ni pour un projet et encore moins pour les compétences et la qualité de ces derniers. Ils considèrent désormais que le mandat politique n’est plus le moyen de défendre la population, mais constitue plutôt une promotion sociale et économique pour la personne élue. Le résultat est qu’on constate au fil des élections qu’un nombre de plus en plus important de citoyens attribuent leur voix soit aux membres de leur famille, soit à leurs amis, soit tout simplement aux candidats susceptibles de répondre au préalable favorablement à leurs besoins immédiats. Ce triste constat provoque de ma part de nombreuses interrogations.

Comment Georges Nahouda, Zaina Mdéré, Marcel Henry, Younoussa Bamana et leurs compagnons, des hommes et des femmes dont le niveau scolaire le plus élevé atteignait à peine le baccalauréat, ont réussi le détachement de Mayotte des Comores et l’ancrage définitif de celle-ci dans la République malgré un contexte géopolitique international et national très défavorable ?

C’était effectivement l’époque des mouvements de libérations nationales et des indépendances dans les empires coloniaux. La revendication départementaliste de nos leaders historiques était considérée alors comme un combat rétrograde, d’arrière garde, anachronique et contraire au sens de l’Histoire de l’Humanité. Et comment ont-ils pu se maintenir au pouvoir paisiblement jusqu’en 2004 ?

Pourquoi, depuis 2OO4, les hommes et les femmes de ma génération dont la plupart sont diplômés des universités de France, voire des grandes écoles nationales, semblent assurer difficilement la succession de l’héritage légué par nos anciens ? Comment n’arrivent-ils pas à maintenir la cohésion sociale et à garantir une bonne gouvernance pour notre Collectivité départementale ?

Et surtout, quelles actions mener pour permettre à nos concitoyens de croire à nouveau à la vertu de la politique; recommencer à espérer; et reprendre en main leur destin commun afin de bien réussir la départementalisation prévue en 2011 ? Cette départementalisation est perçue par l’ensemble des autochtones comme génératrice d’un développement économique, social et culturel susceptible de garantir le bien-être et l’épanouissement de la population de notre île.

Pour répondre à ces interrogations, j’essaie de remonter le temps avant de me propulser vers l’avenir. Quand j’étais au collège à Mamoudzou, j’avais un professeur de français, Monsieur Guéret, avec qui j’avais de très bonnes relations. Celui-ci me filait après lecture les journaux et magazines qu’il faisait venir de Métropole. J’appréciais plus particulièrement le magazine Jeune Afrique, mais je lisais également les autres titres tels que le Point, Paris Match, le Nouvel Observateur, le Monde diplomatique.

Les évènements qui m’ont marqué le plus sont : le courage de Yasser Arafat et de son peuple face à la puissance militaire d’Israël et de ses alliés; la révolution au Burkina Faso, anciennement Haute-Volta, lancée par Thomas Sankara; la résistance et le sacrifice de Nelson Mandela et des Noirs d’Afrique du Sud face à l’Apartheid. Un peu plus tard, j’ai découvert à travers l’Histoire et mes diverses lectures : Lénine, Staline, de Gaule, Adolphe Hitler, Mahatma Gandhi, Ché Guevara, Fidel Castro, J. F. Kennedy, Martin Luther King, pour ne citer que ceux-là.

Ces Grands Hommes, au delà de la diversité de leur personnalité, de leur style et de leur idéologie, partageaient des valeurs communes : l’amour de leur peuple, le sens du désintérêt et de l’honneur, la volonté de marquer l’Histoire de leur pays, voire l’Histoire du monde. Une capacité incommensurable de susciter ou d’imposer l’adhésion de leur peuple à leur cause.

Georges Nahouda, Zaina Mdéré, Marcel Henry, Younoussa Bamana et leurs compagnons partageaient eux aussi ces valeurs. En plus, les fondateurs du Mouvement populaire mahorais (MPM) avaient conscience de leurs manques et de leurs handicaps. Ils savaient écouter et apprécier les conseils de leurs amis experts et responsables politiques de Métropole et d’ailleurs. Ils avaient le sens de l’anticipation et de la projection à moyen et long terme.

Ils ne travaillaient pas contre tel ou contre quelque chose, mais pour un idéal : celui d’offrir une vie meilleure et digne à leurs concitoyens. Mais il faut reconnaître également qu’après l’indépendance des trois autres îles, le multipartisme était quasi absent à Mayotte. Le MPM régnait en maître absolu. Mayotte ne connaissait pas encore la société de consommation et ses malédictions. Les tentations étaient par conséquent très limitées.

Par ailleurs, la société mahoraise était encore très codifiée et respectueuse des traditions et de la religion musulmane. Le droit d'ainesse primait partout, y compris en politique. On était "jeune MPM" à cinquante ans, alors que l’espérance de vie des Mahorais atteignait à peine cinquante-cinq ans. On pouvait avoir la tête bien pleine et bien faite, mais on devait attendre son tour sinon faire preuve d’une docilité exemplaire et exceptionnelle pour espérer gravir les marches plus rapidement.

C’est ainsi que les cadres du Club Georges Nahouda ont été sacrifiés. A part quelques rares exceptions, ils n’ont jamais pu accéder au pouvoir. En effet, avant que leur "tour" arrive, le système s’est désintégré en 1999 avec la scission du MPM en deux fractions (MPM, "canal historique" et MDM – Mouvement départementaliste mahorais).

Les conséquences de cette scission sont multiples. Elle a favorisé l’émergence de nouvelles formations ou implantations politiques dont le Mouvement des citoyens (MDC) crée par des Métropolitains et présidé par Jean-Claude Mahinc, ancien professeur de philosophie. Localement, j’étais le premier Mahorais à avoir rejoint le MDC de Jean-Pierre Chevènement. J’ai été élu président de ce celui-ci en 2000.

Aux élections cantonales d’avril 2001 le Rassemblement pour la république (RPR, ancêtre de l’UMP) devient le plus grand parti de l’île. Mais aucun parti politique ne pouvait à lui seul disposer de la majorité absolue à l’assemblée territoriale. Une coalition présidée par le regretté Younoussa Bamana et composée de MPM, RPR, MDC et du conseiller général de Dzaoudzi-Labattoir, sans étiquette, a inauguré l’ère des cohabitations et des instabilités politiques à Mayotte. En 2002, en désaccord avec la politique de la majorité du conseil général, ma formation politique, le MDC, a décidé de rejoindre l’opposition.

Aux élections de 2OO1, seuls les maires de Bandrélé et Dembéni ont pu garder leur siège. Tous les autres ont été balayés. Des personnes dont la plupart étaient, jusqu’à cette date, inconnues politiquement et peu expérimentées accèdent à la tête des conseils municipaux grâce à des coalitions diverses et variées souvent formées à la hâte entre les deux tours. Dès les premières années de leur mandat, de nombreux conseils municipaux ont enregistré des taux d’absentéisme records. Plusieurs municipalités ont connu des dysfonctionnements sans précédent…

Le summum de l’inconscience et de la bêtise politiques est atteint en 2004 lorsque mes amis des Frap (Forces de reconstruction et d’alliance pour le progrès, une fédération composée du MDM, MDC, Sorodat et les Verts) et moi-même, en ma qualité de président de la structure, avons décidé de confier la présidence du conseil général au seul sans étiquette de l’assemblée, Said Omar Oili.

Auparavant, pendant des mois nous avons sillonné Mayotte pour expliquer aux Mahorais le projet que nous souhaitions mettre en place une fois que les Frap auront acquis la majorité au conseil général. Hélas la perte des cantons de Pamandzi, Koungou et Kani-Kéli, considérés par nos stratèges comme faciles à acquérir, nous a privé de la majorité absolue à l’assemblée. Les sièges étaient répartis comme suit : Frap 9, UMP 9 et sans étiquette 1.

C’est alors que nous avons décidé unanimement de proposer la présidence à un membre de la coalition sortante de l’époque. Pour nous, un président choisi de cette façon ne pouvait qu’appliquer la politique définie par notre fédération. Nous avons pensé prioritairement à Said Omar Oili car il nous semblait le plus fragile. En effet, il était sans étiquette et n’obéissait à aucune discipline de parti. Il était en quelque sorte "à vendre".

Celui-ci et son état-major ont mené des négociations parallèles à la fois avec les Frap et avec l’UMP. Au terme de trois jours de négociations marathon et stressants, il a décidé in extremis de quitter ses amis de jadis pour rejoindre les Frap. Comme convenu, nous l’avons élu président du conseil général le 2 juin 2004. Je suis devenu son 1er vice président.

A partir de cette date, ce fut tout sauf ce que notre fédération avait prévu de mettre en place durant le mandat correspondant. En mettant de côté la gestion courante de la Collectivité départementale, dont l’autopsie nécessitera plusieurs chapitres, j’ai retenu essentiellement les résultats suivants : l’implosion des Frap, de l’UMP, du PS, ainsi que de tous les autres partis existants de 2004 à 2008.

Tous les membres des Frap qui l’ont soutenu et qui l’ont porté au pouvoir n’ont pas été réélus. Tous les conseillers généraux sortant de l’UMP, susceptibles de briguer la présidence de l’assemblée départementale ont été battus en 2008. Une autre coalition encore plus hétéroclite (UMP, MDM – devenu Nouveau Centre – et PS) que la précédente a formé une nouvelle majorité que préside Ahamed Attoumani Douchina. Said Omar Oili, ex-président du conseil général, reste l’un des chefs de file de l’opposition.

La suite vous la connaissez. Les Mahorais et les citoyens de cette île n’ont jamais étaient aussi inquiets, tristes et perdus qu'aujourd’hui. Et pourtant les solutions existent. C’est pourquoi je pense qu’il est vraiment temps de se ressaisir avant qu’il soit trop tard. Mayotte a les potentialités nécessaires pour la réussite de son développement économique et social. Au niveau local, il y a suffisamment d’hommes et de femmes compétents capables d’assumer avec efficacité des responsabilités dans les différents domaines.

Le problème qui se pose est que ces compétences sont souvent méconnues, ignorées ou dispersées. En effet, la société mahoraise prise dans sa globalité reste encore très cloisonnée et sectaire. Les différentes communautés se croisent sans jamais se rencontrer. Cette situation, non seulement ne favorise pas les échanges interculturels, mais surtout génère des méfiances et des a priori des uns envers les autres. Chacun imagine le pire chez l’autre.

Pour se protéger on évite de communiquer, de peur que l’autre s’enrichisse en vous appauvrissant. Les relations de cette nature sont omniprésentes dans l’ensemble des secteurs sociaux, économiques et politiques.

Or Mayotte est en train de négocier un tournant capital de son histoire. Le passage de la Collectivité départementale à la départementalisation. Pour une grande majorité de Mahorais, il s’agit tout simplement d’un saut vers l’inconnu. Ce moment d’incertitudes et d’inquiétude généralisées impose l’instauration d’un dialogue sincère et transparent entre nous Mahorais, et entre les Mahorais, les Métropolitains et l’ensemble des communautés qui ont choisi notre île comme terre adoptive.

Le moment est venu pour nous tous d’oublier nos complexes, de nous débarrasser de nos séquelles du passé, de faire la paix entre nous et de donner une chance à un avenir meilleur. Dans ce vaste chantier, les acteurs politiques, économiques et socioprofessionnels ont un rôle majeur à jouer.

A ce titre, je propose à l’ensemble des partis politiques locaux d’accepter l’instauration d’un moratoire de 5 ans interdisant les affrontements entre nous; de mettre en place un comité de pilotage composé des présidents de chaque formation politique. L’objectif est de rendre possible l’Union sacré de tous les partis politiques de l’île, de droite comme de gauche.

La finalité consiste à faire élire aux élections cantonales, sénatoriales, législatives et municipales respectivement de 2011, 2012 et 2014, les hommes et les femmes les plus compétents et les plus efficaces pour manœuvrer le pays durant cette période de turbulences de tous genres. Cette idée n’est ni neuve ni utopique. Je l’avais déjà proposée en 2004 au secrétaire fédéral de l’UMP, Ahamed Attoumani Douchina, lors d’une négociation secrète. En plus, elle a déjà été expérimentée, dans une version moins large et pour des périodes très courtes, en 2000 et récemment en 2009.

Les résultats étaient à chaque fois très satisfaisants. Cette proposition est réalisable car à Mayotte les notions "droite-gauche" n’ont pas de sens. Les frontières idéologiques entre la gauche et la droite sont quasi inexistantes, voire inconcevables, pour les Mahorais.

Pour l’anecdote, lors des dernières élections cantonales partielles de Tsingoni, mes amis des forces progressistes et moi avons soutenu le candidat socialiste contre celui de l’UMP. Or, nous savions pertinemment que quelle que soit l’issue de cette élection, la personne victorieuse allait au conseil général compléter la majorité conduite par un président UMP. Surréaliste ? Non ! Cela fait partie du dépaysement et du charme de Mayotte.

 

Bacar Ali Boto

Ancien 1er vice président du conseil général

Président de l’Alliance pour un développement maîtrisé et solidaire

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