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20/11/2009 – Petit Déjeuner de Mayotte Hebdo

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{xtypo_dropcap}M{/xtypo_dropcap}ayotte Hebdo : M. Jean-Baptiste, en arrivant vous disiez que c'est très dur de faire comprendre dans les ministères à Paris la situation à Mayotte et que pour ceux qui ne sont jamais venus ici, le reportage d'Enquête Exclusive sur M6 leur a donné une image un peu tronquée de la réalité…

Héric Jean-Baptiste : Oui, une image négative. En fait, on a montré tous les mauvais côtés d'un territoire, avec des images un peu chocs, connues déjà : le problème de l'immigration clandestine, un environnement pas très sain… Il y avait plein de choses à montrer : Mayotte va devenir département, il fallait montrer le côté positif, comme un endroit où il fallait développer le tourisme. En fait, on a fait le contraire. Vu de Paris, vu de la Métropole, j'aurais des velléités à venir à Mayotte, comme j'ai entendu : "Ce n'est pas la peine de venir, il n'y a rien à faire, et c'est dangereux".

Les images violentes que l'on a montrées des événements de l'année dernière, on avait l'impression que ça se passe au quotidien. La réflexion que je me suis faite, c'est : "Si ma mère voit ça, elle va me dire de rentrer : qu'est-ce que tu es allé faire dans ce coupe-gorge ?" (rires de Kordjee). Et c'est contre-productif. Si on voulait démolir Mayotte, on n'aurait rien trouvé de mieux que de montrer ce genre d'émission. Même le lagon n'a pas été mis en évidence, on a en parlé juste quelques minutes pour dire qu'il y avait un trafic de tortues et que le lagon était pollué.

 

 

"Il y a même une vice-présidente du Sénat qui nous parle encore de la polygamie à Mayotte. La polygamie à Mayotte, dans les textes, ça n'existe plus. La nouvelle génération actuellement réfute la polygamie."

Ismaël Kordjee

 

 

Ismaël Kordjee : Mais est-ce que ce n'était pas fait exprès ?

Héric Jean-Baptiste : C'est le style de l'émission.

Ismaël Kordjee : Non, ils ont fait une émission sur les Seychelles ou Maurice, où ils ont montré une île touristique, les hôtels, des patrons qui sont bien organisés pour le tourisme… Moi, j'ai l'impression que c'est en lien avec le 29 mars. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on a tendance depuis longtemps à toujours montrer des images négatives de Mayotte, à revenir sur des choses qui sont dépassées. Par exemple, il y a même une vice-présidente du Sénat qui nous parle encore de la polygamie à Mayotte. La polygamie à Mayotte, dans les textes, ça n'existe plus. La nouvelle génération actuellement réfute la polygamie.

J'ai l'impression que l'avoir fait au lendemain du 29 mars, c'est encore pour faire peur aux gens : les Mahorais ont choisi la France mais finalement la France ne veut pas de Mayotte. Il fallait montrer une situation très complexe, difficile. Sauf qu'à Mayotte, il y a beaucoup de choses à montrer, mieux que cette image misérabiliste de notre île. On nous parle d'un des plus grands lagons du monde. Même si on parle beaucoup de l'immigration, Mayotte c'est l'île la plus accueillante. Moi j'ai déjà été à la Réunion, en Guadeloupe, je connais. Mayotte est encore une île très accueillante. Tu peux arriver ici et te construire ton banga… Ca, on ne le montre pas, même si on a organisé l'espace à Mayotte pour séparer les populations, souvent les gens arrivent à se côtoyer. Les Mahorais sont encore fascinés par l'étranger, par les Métro.

On a choisi des images chocs, par exemple l'école coranique avec l'histoire complètement faussée et dépassée des enfants enchaînés. C'est complètement faux. Je me pose la question de savoir si on n'a pas choisi la seule école coranique où il y a cette chaîne-là. Moi, j'ai fait l'école coranique comme la majeure partie des gens ici, mais on n'est pas des intégristes. Au contraire, l'école coranique, c'est le lieu où on apprend la vie sociale. Moi, je suis un grand buveur d’alcool ! (rires de Jean-Baptiste) Mais j'ai fait l'école coranique et je ne regrette pas de l'avoir faite. Moi qui ai fait l'école privée à la mission catholique, j'ai fait aussi du catéchisme, je me retrouvais avec des amis…

A la rigueur, l'école coranique, c'est le lieu où se retrouve entre amis et où on apprend à vivre en société. Puisque les maîtres coraniques n'étaient pas payés, en échange on travaillait pour eux. Au contraire, le fait d'avoir fustigé l'école coranique, elles se sont enfermées et ça peut devenir des lieux d'intégrisme. Mais avant, Soldat, tout le monde ici, ils ont fait l'école coranique… C'est pourquoi je trouve qu'on choisit souvent des images chocs car Mayotte est en train d'imposer sa volonté d'être française, sans pour autant que la France ait envie d'aller plus loin.

 

 

"Il faut quand même regarder les côtés positifs de cette émission (Enquête exclusive de M6) : bien sûr on a démoli Mayotte à travers cette émission, mais l'effet secondaire c'est qu'on en parle. Vous allez en Métropole, on parle de Mayotte. C'est aux Mahorais maintenant, et à nous sur place, de montrer l'autre image, positive, de Mayotte."

Héric Jean-Baptiste

 

 

Héric Jean-Baptiste : D'ailleurs, la réflexion de beaucoup de gens, surtout après une émission comme celle-là, c'est : "Mais qu'est-ce que la France est allée faire à Mayotte ?". J'ai voyagé la semaine dernière avec un homme politique venant de la Métropole qui repartait, il me disait : "Mais je ne comprends pas ce que la France est venue faire à Mayotte, qu'est-ce que Mayotte va apporter à la France ?" Je lui ai dit : "M. le sénateur, vous devriez savoir qu'il y a le principe de solidarité : qu'est-ce que la Dordogne apporte à la France en termes financiers ?".

Il faut quand même regarder les côtés positifs de cette émission : bien sûr on a démoli Mayotte à travers cette émission, mais l'effet secondaire c'est qu'on en parle. Vous allez en Métropole, on parle de Mayotte. C'est aux Mahorais maintenant, et à nous sur place, de montrer l'autre image, positive, de Mayotte. Si on avait montré Mayotte comme quelque chose de plat, on n'en aurait pas parlé. C'est aux autres médias audiovisuels de faire un contre-reportage.

Ismaël Kordjee : On a parlé tellement en mal de Mayotte… Moi, je viens de passer une année en Métropole : quand on parle de Mayotte, c'est l'immigration, la xénophobie des Mahorais. Mais ça existe partout, même un Président de la République a été élu sur des idées autour de l'immigration. Je considère que ce sont des idées qui sont défendues là-bas par le Front national, qui a été créé en Métropole, comme le nazisme a été créé en Europe… Il y a des problèmes ici à Mayotte. La situation de Mayotte et des îles voisines font que ça attire du monde, beaucoup de gens qui cherchent des conditions de vie meilleures. Mais il y a des Mahorais qui sont quasiment dans la même situation que les étrangers qui viennent ici.

Ce que je trouve dommage, c'est que si on parle de l'arrivée massive des amis, des cousins des îles, on oublie que c'est parce que c'est île-là, elle est accueillante et que souvent c'est les Mahorais qui les hébergent. Les préfets ne comprennent pas que souvent, quand il y a des personnes qui sont arrêtées, le village va au Cra pour les faire sortir. Ce n'est pas blanc ou noir, les Mahorais ne sont pas automatiquement des xénophobes. Moi, je suis un grand défenseur des droits de l'homme. J'ai fait 20 ans en Métropole, j'ai toujours milité dans des mouvements pour les droits de l'homme, mais les droits de l'homme, ça concerne autant les étrangers que les locaux qui vivent dans des conditions très difficiles.

Je trouve que cette émission a cassé l'image de Mayotte. Souvent, on dit : "les Mahorais ont choisi la France parce qu'ils veulent les avantages". Sauf qu'en 1958, quand les Mahorais choisissaient la France, on ne savait même pas qu'il y avait le RMI ou des allocations. C'est un choix politique, une volonté des Mahorais parce qu'ils étaient depuis longtemps attachés à la France.

 

 

"Moi, je faisais partie des gens qui prônaient l'indépendance, j'étais pro-comorien et j'étais convaincu que c'était le bon choix, sauf qu'on voit actuellement que j'avais tort. Si demain, on demande aux Mahorais de retourner aux Comores, c'est pour faire quoi ? Partager la misère avec les gens ? Subir la dictature ?"

Ismaël Kordjee

 

 

Moi, je faisais partie des gens qui prônaient l'indépendance, j'étais pro-comorien. J'ai fait mes études aux Comores à cette période-là et j'étais convaincu que c'était le bon choix, sauf qu'on voit actuellement que j'avais tort. Si demain, on demande aux Mahorais de retourner aux Comores, c'est pour faire quoi ? Partager la misère avec les gens ? Subir la dictature ? A Mayotte, il quand même un semblant de démocratie.

C'est un choix que les Mahorais ont fait parce que la situation de Mayotte dans le temps, c'est celle de Mohéli aujourd'hui. C'étaient des îles qui étaient complètement méprisées, ignorées, à tel point que les Mahorais ont fait ce choix. Moi, je me rappelle d'un discours d'un président du Conseil qui disait "les Mahorais, c'est des mangeurs d'hérissons". C'est ce mépris pour les Mahorais qui a fait qu'ils ont choisi, mais ce n'est pas une histoire de manne financière, au contraire.

 

 

"Le réflexe de la Métropole, qui peut se comprendre quand on n'est jamais venu à Mayotte, c'est : "mais qu'est-ce qu'on est allé faire là-bas ?". Quand on est à Mayotte, bien sûr, on comprend mieux. Ca fait partie de la diversité française."

 Héric Jean-Baptiste

 


 

MH : Maintenant que les Mahorais n'ont plus à se battre pour être Français, pourquoi ne se battent-ils pas aujourd'hui pour améliorer leur image en Métropole, pour montrer que Mayotte a des atouts à apporter à la République ?

Héric Jean-Baptiste : Je crois qu'il y a aussi le poids de l'Histoire. Mayotte, on en parle depuis seulement peu de temps. Moi, quand on m'a dit : "vous allez partir sur Mayotte faire un travail bien précis", je ne savais même pas où ça se trouvait exactement. L'image de Mayotte que l'on avait, c'était Bob Denard aux Comores. On ne pensait même pas que Mayotte allait rester dans la République française. Je crois que c'est ça qui pose problème aujourd'hui, c'est que personne ne s'y attendait. Quand on en parlait dans l'Histoire, depuis 1958 comme vous le dites, personne n'a pensé qu'en 2009 on allait avoir le 101ème département français. Et c'est là qu'on est en train de découvrir tous les problèmes, qu'il y a un nouveau département qui est complètement atypique par rapport à ce qu'on connaît, même par rapport aux Antilles.

Quand on prend la communauté française dans son ensemble, Mayotte est quand même atypique, de par son Histoire, sa culture, sa religion… Et d'un seul coup, on est en train d'en prendre conscience. Avec le vote du 29 mars, on se dit : "Tiens, il y a un nouveau département", et le réflexe de la Métropole, qui peut se comprendre quand on n'est jamais venu à Mayotte, c'est : "mais qu'est-ce qu'on est allé faire là-bas ?". Quand on est à Mayotte, bien sûr, on comprend mieux. Ca fait partie de la diversité française. Si on prend l'Histoire de France, les Alsaciens n'étaient pas Français, une partie du sud de la France n'était pas française… On dit même que les départements d'Outremer sont devenus français avant même certains départements métropolitains. Il y a tout un travail historique à faire pour intégrer Mayotte dans la République française, je crois que ça prendra plusieurs générations parce que c'est trop neuf aujourd'hui…

Ismaël Kordjee : Je suis entièrement d'accord. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est aussi la responsabilité des élus et des gens ici, parce qu'on a mis tellement en avant le combat pour le département en priorité qu'on a finalement laissé faire et permis de bousiller l'image de Mayotte. Qui aujourd'hui a réagi sur l'émission de M6 ? Qui a réagi sur un certain nombre d'écrits sur Mayotte ? Personne, parce que les gens ont tellement peur que ça remette en cause leur projet de vie, la départementalisation de Mayotte, que finalement les gens laissent faire.

Je vois par exemple par rapport à la Chambre territoriale des comptes, il y a une responsabilité partagée des uns et des autres. Ca n'empêche que les élus au conseil général acceptent tout argent comptant, parce que ça risque de remettre en cause ce projet. Il ne faut pas se fâcher avec l'Etat… et on laisse faire. Sauf que la décentralisation à Mayotte, elle date de 5 ans. En Métropole, c'est depuis les lois de 1983, et jusqu'à maintenant on est en train d'ajuster.

La loi de 2004 est justement en train d'affiner la décentralisation pour donner plus de pouvoirs aux collectivités, ou au contraire en recentrer d'autres sur l'Etat. A Mayotte, ça ne date que de 2004, et même pour certaines compétences, comme la gestion du foncier de la CDM, c'est en 2006. Mais les élus, en aucun cas, n'osent dire "attention !", même parler de projets de Mayotte, parce que ça risque de remettre en cause le projet de vie de Mayotte. La situation actuelle vient du fait que l'on a déserté le terrain de la défense de l'image de Mayotte, autant les élus que les cadres.

Héric Jean-Baptiste : Ca ne fait pas longtemps qu'on a donné l'initiative du pouvoir aux collectivités locales. A une certaine période, c'était le préfet qui dirigeait tout sur Mayotte.

Ismaël Kordjee : Un vrai gouverneur ! (rires)

Héric Jean-Baptiste : Je ne prends pas la défense des élus, mais c'est extrêmement compliqué la gestion des affaires d'une collectivité, quelle qu'elle soit, aussi bien une commune qu'un département. Mais quand vous savez la complexité de la chose et que ce n'est que depuis 2004 qu'ils ont ce pouvoir, il faut leur laisser le temps de faire leurs armes. Il faut peut-être attendre une génération nouvelle qui sera complètement intégrée dans le nouveau statut de Mayotte. Les anciens, ceux qui dirigent actuellement, ils étaient dans un système politique qui ne leur donnait pas toutes les compétences. Gérer une collectivité, ça s'apprend.

 


 

MH : M. Kordjee, vous avez raison d'évoquer des responsabilités partagées dans le déficit du conseil général relevé la Chambre des comptes, car elle a mis à jour un déficit structurel remontant à 2002, soit avant même la décentralisation…

Héric Jean-Baptiste : Peut-être qu'on commence à en prendre conscience, maintenant que Mayotte va entrer dans le giron de la Métropole, qu'il y a des règles à respecter. Ce n'est pas par hasard que la Chambre des comptes relève maintenant tous ces problèmes, c'est parce que Mayotte va devenir département. Si ça n'avait pas été le cas, elle aurait été moins tatillonne sur la gestion.

Où est le problème ? Mayotte va devenir département, ça veut dire que quelque part Mayotte va "peser" – ce mot n'est pas péjoratif – sur le budget de l'Etat. Car ce n'est pas avec ce que l'on collecte comme fiscalité locale que Mayotte pourra être autonome financièrement, aussi bien les mairies que la Collectivité départementale et régionale dans le futur. Et c'est maintenant qu'on commence à prendre conscience qu'il y a un problème de gestion.

N'importe quelle mairie de Métropole, si vous n'avez pas des spécialistes à côté des élus pour les aider à faire de la gestion, vous ne pouvez pas le faire. Et Mayotte n'a peut-être jamais eu cet encadrement autour. Vous êtes élu maire, et puis d'un seul coup on va demander de gérer, de faire un budget, de prévoir des dépenses, des investissements. Ca, ça ne s'invente pas. Il n'y a peut-être pas le personnel suffisant ou compétent pour pouvoir faire ça. Encore une fois, sans vouloir les défendre, c'est trop tôt. C'est comme un gosse à qui vous donnez une voiture pour la première fois et qu'il sait à peine conduire. Il faut du temps. Peut-être qu'avec le renouvellement des élus en 2011, il faudra saisir l'opportunité de s'entourer des meilleures personnes. L'Etat a encore un rôle à jouer d'accompagnement, à condition que les Mahorais l'acceptent.

"Actuellement au conseil général, on n'arrive pas à distinguer qui sont les techniciens chargés d'exécuter, de mettre en place la politique des élus, et qui sont les élus, les patrons chargés de définir ces politiques. On ne fait pas la différence actuellement parce que ça n'a pas été préparé."

Ismaël Kordjee

 

 

Petit Déjeuner de Mayotte Hebdo : Le foncier et les impôts

Ismaël Kordjee : Ca, c'est encore une histoire de gouvernance entre l'Etat et les collectivités. La situation actuelle de Mayotte avec le problème de la Chambre territoriale des comptes et les dysfonctionnements au conseil général, vient aussi du fait que le transfert de compétences du préfet vers le président du conseil général a été fait sans transition ni préparation. Ca s'est fait comme ça, alors qu'au moins 5 ans avant le transfert de compétences on avait déjà prévu la formation des cadres mahorais, mais elle n'a jamais vu le jour. On a formé personne. Le transfert de compétences de l'exécutif du préfet à l'exécutif du président du conseil général s'est fait du jour au lendemain, sans aucune transition. Moi, je considère qu'actuellement la situation du conseil général vient de ce manque de préparation et de formation. L'exercice du pouvoir, ça ne s'apprend pas à l'école. Il fallait accompagner les gens.

Aujourd'hui, beaucoup de services du conseil général ne fonctionnent pas parce qu'on n'a pas les bons cadres aux bons endroits, aux bons postes, parce qu'il n'y a pas eu cette préparation. Aujourd'hui, le conseil général est en train de se chercher.

Actuellement au conseil général, on n'arrive pas à distinguer qui sont les techniciens chargés d'exécuter, de mettre en place la politique des élus, et qui sont les élus, les patrons chargés de définir ces politiques. On ne fait pas la différence actuellement parce que ça n'a pas été préparé. A tel point qu'actuellement, on se rend compte que finalement la politique devient carrière. On ne vient pas pour défendre la politique d'une population qui vous a élue, mais avant tout pour faire une carrière.

Imaginez, les deux présidents du conseil général, vous savez comment ils ont été élus ? C'est même quasiment bafouer la démocratie. Le premier président du conseil général, Saïd Omar Oili, a été élu à une voix près. La veille des élections, on a enfermé les élus dans une pièce, on leur a retiré leur téléphone portable pour éviter qu'ils changent d'avis du jour au lendemain. Pareil avec l'élection de Douchina. En leur retirant leur portable, on a quasiment bafoué la démocratie : on a tellement peur qu'ils changent d'idées la nuit, si quelqu'un les appelle, parce que la politique devient avant tout une carrière. Je trouve que c'est dangereux, mais en même temps c'est l'apprentissage de la démocratie et des responsabilités.

Les collectivités à Mayotte, ça ne date que de 1976, alors que les communes existent depuis 1789 dans la République française. Tout est nouveau ici pour les gens. Dans les cadres au conseil général, il y a des personnes qui ne sont pas à leur place. On est en train de colmater. En plus se mêlent les influences extérieures de tel ou de tel. Ca ne fonctionne pas, mais il faut relativiser parce que c'est un début. En 1983 en Métropole, pendant la décentralisation, on a eu les mêmes problèmes, la même situation. On mettait le fils de tel, le patriarche de telle commune. Il y a eu des scandales de mauvaise gestion avant qu'on reprenne les choses en main. C'est vrai que ça ne marche pas ici, mais c'est le cheminement normal, parce que la décentralisation ne date que de 2004.

"Il y a 70.000 locaux à évaluer, le pré-requis indispensable pour mettre en place la fiscalité locale. Vu de la Métropole, il y a deux méthodes : celle où on demande aux gens de décrire leur habitat – c'est le système déclaratif qui prévaut en France – ou alors celle où les fonctionnaires qui sont sur place prennent l'initiative d'aller évaluer eux-mêmes ces locaux."

Héric Jean-Baptiste

 

 

Héric Jean-Baptiste : Ce n'est pas surprenant. Si vous prenez l'exemple des Antilles, ça s'est passé exactement de la même manière il y a 40 ans. Il y a des coutumes et des comportements qui pendant un laps de temps se perpétuent : le passage du pouvoir de père en fils par exemple. Mais petit à petit, la démocratie, ça s'apprend. La population a son mot à dire à un moment donné, les élections se renouvellent régulièrement. C'est avec les élections que les gens vont prendre conscience – si on leur donne la possibilité d'en prendre conscience par l'éducation – ça va se réguler petit à petit. C'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure qu'il va falloir attendre encore quelques générations pour que les choses rentrent dans l'ordre qui est prévu.

Ca ne se fera pas du jour au lendemain. Comme vous dites, on est passé d'un système à un autre très brutalement, sans préparation peut-être. Maintenant, c'est aux Mahorais de prendre conscience qu'il faut évoluer dans le bon sens et que chacun ne s'agrippe pas à ses petits avantages. Ca aussi, c'est la crainte que l'on a partout. La politique, c'est un tremplin pour d'autres choses. Si chacun s'agrippe à son pouvoir pour obtenir quelque chose derrière, on n'avancera jamais.

 


 

MH : M. Jean-Baptiste, vous évoquez l'éducation pour faire prendre conscience aux gens qu'ils ont un pouvoir de sanction. Avant d'entamer cet entretien, vous évoquiez les difficultés que vous aviez dans les ministères pour faire prendre conscience de la réalité ici, avec des fonctionnaires parisiens qui ont tendance à faire du "copier-coller" des textes législatifs et réglementaires qui sont en vigueur en Métropole, sans prendre en compte que la moitié de la population mahoraise a du mal à maîtriser le français et à avoir un rapport à l'écrit comme on l'a dans la culture occidentale…

Héric Jean-Baptiste : C'est normal, on a un schéma intellectuel différent. On a été formaté en venant de la Métropole et on a un schéma qui est cadré. Si on ne fait pas l'effort, en venant à Mayotte, d'oublier ces standards, on passe à côté, c'est-à-dire qu'on essaie d'appliquer des choses qui ne sont pas applicables ici.

Par exemple pour le foncier, son histoire à Mayotte c'est tellement particulier – l'occupation du foncier à Mayotte -, que si vous essayez d'appliquer les règles de Métropole, vous êtes complètement à côté, et d'ailleurs c'est inapplicable. La démarche qu'il faut mettre en œuvre, c'est d'essayer d'adapter, tout en restant dans le cadre général. D'ailleurs, tous les ministres qui sont passés ont dit la même chose : adaptation et progressivité. Moi, en tant que représentant d'un service de l'Etat, mon rôle c'est d'essayer d'expliquer, à ceux qui ne connaissent pas Mayotte, ses particularités, et leur expliquer qu'il faut adapter toutes les règles.

On va par exemple mettre en place la fiscalité locale. Sur le papier, c'est très simple : les maires vont fixer les taux, on va évaluer le bâti de Mayotte et puis on aura une fiscalité locale. Mais c'est plus compliqué que ça. Déjà, évaluer le foncier… Vous avez sur Mayotte un habitat qui est ce qu'il est, avec une hétérogénéité quand même importante : des maisons cossues au banga. Il y a 70.000 locaux à évaluer, le pré-requis indispensable pour mettre en place la fiscalité locale. Vu de la Métropole, il y a deux méthodes : celle où on demande aux gens de décrire leur habitat – c'est le système déclaratif qui prévaut en France – ou alors celle où les fonctionnaires qui sont sur place prennent l'initiative d'aller évaluer eux-mêmes ces locaux.

Il y a des règles bien entendu qui s'appliquent, quand on demande aux gens de décrire leur habitat. Vu de la Métropole, c'est très simple, mais vu d'ici, quand on a l'expérience d'ici, c'est un challenge : les gens ne maîtrisent pas forcément la langue, et il y a la suspicion qui commence à poindre sur la fiscalité. Les gens commencent à se dire : "mais s'ils me demandent ça, ça veut dire que je vais payer des impôts, je vais en payer un peu plus…" On a peut-être pas assez parlé des devoirs pendant la campagne référendaire. Moi je n'y crois pas à ce système déclaratif qui est la règle en Métropole.

Il faut trouver une autre solution : c'est aux services de l'Etat de prendre ça en charge et de procéder à l'évaluation de tous les locaux, même si ça va poser problème auprès de la population. Le jour où on va faire ça, la population va se dire : "mais de quel droit on a évalué mon local ? Ils ne se sont pas rentrés dedans, ce n'est pas du tout ça…". Ca va créer des soucis.

On n'est pas prêt à dire qu'il y a l'adhésion à l'impôt, pour la bonne raison qu'on en payait pas ou très peu. Il n'y avait que l'impôt sur le revenu et pas de fiscalité locale. Et d'un seul coup, on va s'introduire chez les gens pour leur demander de payer un impôt nouveau, et on va leur demander en plus de participer. A mon avis, Mayotte n'est pas prête. Donc c'est à nous de trouver un autre système, que je préconise, même si on déroge au droit commun, pour pouvoir faire ce travail qui doit être terminé au 31 décembre 2013. Il faut qu'on soit prêt et prendre rapidement la décision de savoir quelle est la méthode qu'on va utiliser.

Techniquement, on pourra faire ce travail en faisant venir dix techniciens de la Métropole, mais il faut que les élus comprennent la démarche, que les maires nous accompagnent et mettent à notre disposition des agents pour expliquer aux gens, parce qu'il y a la barrière de la langue et la suspicion. Il faut que tout le monde comprennent la démarche, en priorité les élus. C'est aussi à nous d'expliquer aux élus car ils ne sont pas aujourd'hui au fait des choses. Les élus feront ensuite le relais auprès de la population pour que l'on puisse faire ce travail dans de bonnes conditions. Il y a une osmose qui doit se créer et tout le monde doit participer au jeu.

 


 

MH : Selon la préfecture, il pourrait y avoir trois solutions parmi la seconde méthode que vous évoquez. Outre celle que vous préconisez avec des "recenseurs" qui passeraient dans toutes les communes et qui nécessiterait une dizaine de personnes à temps plein pendant 2 ans, il y a deux autres solutions beaucoup moins chères et beaucoup plus rapides : soit prendre un échantillon représentatif et ensuite faire des extrapolations statistiques, soit travailler à partir de photos aériennes.

Héric Jean-Baptiste : La photo aérienne a ses limites car vous ne voyez que les toits. On n'en a pas besoin, sauf à recenser une partie du bâti pour le cadastre, qui est aujourd'hui à jour à 70-80%. La photo aérienne va nous dire, par rapport au plan cadastral, ce que l'on n'a pas recensé, mais à plat. Or, pour faire une évaluation, vous avez besoin de savoir le nombre d'étages. Il n'y a que le visuel ou le descriptif d'un individu qui va pouvoir nous permettre de faire cette opération.

Bien sûr, il va falloir simplifier : en Métropole, il y a 8 catégories. Ici, 3 catégories seraient suffisantes, de la maison la plus cossue jusqu'au banga, avec quelque chose d'intermédiaire. Il y a toute une partie technique de travail des communes, avec ce qu'on appelle les commissions communales qui vont déterminer des locaux-types, c'est-à-dire qu'on va prendre dans les communes 3 types de locaux – cossus, commerciaux et moins cossus – et puis on va faire rentrer tout ce qu'on trouve dans la commune dans ces catégories, pour ensuite déterminer les valeurs locatives. Ce sont les communes qui déterminent leur base fiscale.

 


 

MH : Le prix du mètre carré sera calculé en fonction de la catégorie multipliée par la surface, mais dans les Dom il est fixé sur les conditions du marché de 1975 et il n'y a pas de coefficient forfaitaire d'actualisation, contrairement à la Métropole. Est-ce que ça ne sera pas un peu injuste par rapport aux autres Dom, parce que ce prix sera calculé ici en fonction du marché de 2010 ?

Héric Jean-Baptiste : Non, au contraire. Mayotte sera en avance par rapport aux autres départements, pas seulement les Dom mais l'ensemble des départements, parce que la dernière révision foncière s'est faite en 1975 dans les Dom et en 1970 en Métropole. Cela signifie qu'à un moment donné, on a décidé qu'on allait réévaluer tous les locaux, mais ça n'a pas abouti parce que c'est un travail de titan et les décrets d'application ne sont pas sortis. A Mayotte, on va faire tout ce travail.

Dans les 2 ou 3 ans à venir, on va fixer les valeurs locatives définitives. Elles seront exactes, contrairement à la Métropole. Au contraire, c'est une opportunité que l'on a de tomber sur des choses un peu plus justes, en déterminant une valeur locative qui n'existait pas auparavant. Et puis dans 20 ans, on fera peut-être une révision.

Avec la réforme de la taxe professionnelle, une partie de cette taxe sera basée justement sur la valeur locative des locaux commerciaux et industriels. C'est une chance pour Mayotte de faire cette détermination des valeurs locatives pour pouvoir asseoir la nouvelle taxe professionnelle qui va aller dans le budget de l'Etat qui la compensera autrement. Une grosse partie de l'assiette sera la valeur locative. En Métropole, on est en train de réfléchir pour savoir comment on va faire : on se dit qu'on va réviser les valeurs locatives par rapport aux mutations qui vont se faire. Quand il y aura une vente, on va profiter de l'occasion pour mettre à jour la valeur locative. Quelqu'un qui ne vendra jamais, on ne va pas réévaluer sa valeur locative, donc dans un même immeuble où il y a des locaux commerciaux, il pourra y avoir des valeurs locatives différentes. Mayotte n'aura pas ce problème.

En plus, ça va être plus facile sur Mayotte puisque le tissu économique commercial est très concentré, à Kawéni et autour de Mamoudzou. Quand on ira dans les communes, il y aura la petite supérette, des choses facilement identifiables. Je crois qu'il faudrait commencer par là, par les locaux commerciaux, quand on va faire ce gros travail d'évaluation des locaux.

Ismaël Kordjee : Moi, ce qui m'intéresse par rapport à la mise en place de la fiscalité locale à Mayotte, c'est déjà deux choses. Souvent, on reprochait beaucoup aux gens ici de vouloir tout avoir sans contrepartie. Au moins, les Mahorais vont participer à l'effort de solidarité. Il faut que les Mahorais soient responsabilisés, même si ça va être difficile. Mais de toute façon, compte tenu de la situation des gens et de la précarité ici, il y aura de l'équité et de la justice.

La deuxième chose, c'est qu'au moins ça va donner une marge de manœuvre nouvelle aux collectivités. Actuellement, le problème, c'est que les collectivités ne dépendent que des transferts de l'Etat alors qu'ailleurs on a le levier fiscal. Les collectivités peuvent voter des taux plus importants quand elles besoin d'argent pour boucler leur budget.

Ici, l'Etat peut dire "la dotation cette année reste la même", alors qu'avec l'évolution de l'île, les besoins sont de plus en plus importants et les attentes énormes. Ce qui fait que les collectivités sont sous la tutelle financière des services de l'Etat. Le fait d'avoir une fiscalité locale permettra au moins aux collectivités d'avoir une autonomie, parce qu'aujourd'hui, avec l'histoire de la Chambre des comptes, c'est sûr qu'au lieu que le conseil général suive à la lettre les recommandations de la Chambre, peut-être qu'on pourrait trouver d'autres solutions, notamment d'autres rentrées de recettes. C'est pour ça que je trouve que c'est une décentralisation faussée parce que les collectivités ici dépendent complètement des transferts financiers de l'Etat. Alors que les textes législatifs disent que la part la plus importante des recettes des collectivités locales doit provenir des différentes taxes de la fiscalité locale.

Héric Jean-Baptiste : Mais ce ne sera pas suffisant…

Ismaël Kordjee : Oui, ça ne sera pas suffisant, mais la loi l'oblige pour la libre administration et l'autonomie de gestion financière. Ici, ces deux principes constitutionnels sont complètement biaisés. La fiscalité locale permettra aux collectivités d'être plus autonomes vis-à-vis de l'Etat. Par exemple aujourd'hui, les collectivités sont souvent maîtres d'ouvrage pour la construction d'équipements, mais il n'y a aucune commune qui n'a de recettes pour les financer, c'est les dotations de l'Etat. Et souvent elles sont tributaires de la bonne volonté d'un directeur de l'Equipement ou d'un directeur de service de l'Etat. C'est encore la tutelle, la décentralisation à Mayotte n'existe pas pour le moment. Même si sur le papier les élus délibèrent, ils sont toujours dépendants du bon vouloir de l'Etat, alors que dans les autres collectivités territoriales d'Outremer ou de l'Hexagone, on peut utiliser ce levier fiscal.

Héric Jean-Baptiste : Au-delà de l'aspect recettes de cette fiscalité locale, ça veut aussi dire d'un autre côté qu'il faudra peut-être une maîtrise des dépenses. La Chambre des comptes a précisé que c'est surtout au niveau des dépenses que les règles ne sont pas respectées. D'après ce que je lis dans la presse, le budget des collectivités passe pour près de 70% pour les frais de gestion du personnel. Or, une commune, elle a besoin d'investissements. Quand on parle de fiscalité locale, c'est surtout par le biais de l'investissement : plus vous allez créer de l'investissement, plus vous allez créer de la richesse fiscale, par le biais de la taxe professionnelle, des constructions que vous allez faire. Et à mon avis c'est une très bonne chose au démarrage, pour le département que Mayotte va devenir, qu'elle soit encore sous la tutelle de l'Etat, pour pouvoir accompagner, mettre un peu d'ordre dans tout ça. Si on les laisse libres et disant : "vous êtes une collectivité, voilà les règles du jeu et puis vous vous débrouillez avec", on va à la catastrophe.

Il y a toujours l'accompagnement de l'Etat, parce que le vote du budget de la Collectivité est toujours soumis au contrôle du préfet. Et il y aura le contrôle de légalité quand les communes fixeront leur taux : on ne peut pas fixer un taux complètement aberrant, il y a des règles à respecter, ça ne doit pas dépasser la moyenne des taux nationaux, etc. Il y a des limites, même entre impôts, puisque les taux des 4 taxes (d'habitation, professionnelle, foncière sur le bâti et foncière sur le non bâti, ndlr) se tiennent entre eux. Mais d'ores et déjà on voit une limite, on sait que ce ne sera pas suffisant.

Il y a déjà un impôt qui est distribué aux collectivités, c'est le Fip, le Fonds intercommunal de péréquation. Nous, avec nos projections, on sait déjà ce dont les communes auront besoin en termes de financement : même avec une fiscalité locale, ça sera nettement insuffisant. Il faudra augmenter le budget dans des proportions considérables, donc la Collectivité sera toujours, par le biais de la dotation globale de fonctionnement, sous la dépendance de l'Etat, comme bien d'autres communes. Ce n'est pas particulier à Mayotte, en Métropole aussi, vous avez des communes où il y a très peu de ressources, d'industries, d'activités…

Ismaël Kordjee : Je ne dis pas que ça permettra aux communes de résoudre leurs problèmes, mais au moins on aura d'autres sources de financement et surtout avoir une certaine autonomie vis-à-vis des services de l’Etat.

Héric Jean-Baptiste : Il ne faut pas se leurrer. Quand on mettra en place la fiscalité locale, il y aura un bon nombre d'exonérations. La taxe d'habitation par exemple, est calculée par rapport au revenu et pas seulement par rapport à la valeur locative. Toutes les exonérations et les dégrèvements seront compensés par l'Etat. Comment ça se passe ? Techniquement, chaque année la commune va voter son budget et ses taux. Une fois que c'est voté puis validé par l'Etat, la commune est sûre de récupérer cette somme.

A charge pour l'Etat d'aller la chercher et de la récupérer. Quelqu'un qui ne peut pas payer ou ne veut pas payer, en bout de course, c'est l'Etat qui va le supporter. La commune est sûre de l'avoir, c'est pour ça que l'exercice au démarrage ne va pas être facile pour les services de l'Etat. Et l'Etat n'a pas envie de compenser dans des proportions trop importantes. Donc, au démarrage, il y aura des ajustements, il faudra trouver le bon curseur, d'où l'importance du travail de recensement que l'on va faire.

Concrètement, à partir de ce recensement, on va faire des simulations pour savoir combien vont rapporter les taxes. Une fois qu'on aura dit : "la commune x, elle peut percevoir tant", il faudra lui verser chaque mois, puisque cela se fait par dixièmes. Il faudra lui verser ce qui a été validé par les services de l'Etat.

 

 

"La mairie aura un rôle à jouer. Moi, j'ai une expérience dans les Antilles où on ne voulait pas nous donner le nom des propriétaires. A un certain moment, j'avais dit : puisque c'est comme ça, les maires, on vous diminue votre base fiscale. Vous ne voulez pas jouer le jeu, on vous la diminue."

Héric Jean-Baptiste

 


 

MH : Une autre particularité par rapport au droit commun, c'est que vous allez vous fonder sur la propriété apparente des biens, c'est-à-dire qu'il y aura une taxe même si la construction est sans permis. Une adaptation qui est liée au problème du foncier à Mayotte, puisque la moitié de la population n'est pas propriétaire officiellement.

Petit Déjeuner de Mayotte Hebdo : Le foncier et les impôts

Héric Jean-Baptiste : En matière fiscale, bien sûr, on recherche qui est le véritable propriétaire, mais si on ne trouve pas le propriétaire, on va taxer celui qui se comporte véritablement comme le propriétaire. Il y a plusieurs cas : il y a les constructions illicites – des gens qui occupent alors qu'ils ne sont pas propriétaires -, vous avez les indivisions non dénouées – une indivision, si on connaît au moins l'un des héritiers, on va le faire payer, à charge pour lui de répartir la somme avec ses autres cohéritiers. Celui qui occupe illégalement ou qui ne veut pas nous donner le nom du propriétaire, on va le taxer comme propriétaire apparent, à charge pour lui de nous dire que ce n'est pas lui le propriétaire mais quelqu'un d'autre. C'est pour ça que la loi nous permet de faire ça, sinon on n'y arriverait pas, et à Mayotte encore moins puisque la propriété en tant que telle, juridiquement, est tellement peu fiable que si on n'avait pas ces leviers, on ne pourrait quasiment rien faire.

Le nombre de constructions dont on ne sait pas qui est vraiment le propriétaire… M. Kordjee est à la tête d'une cellule qu'on appelle la régularisation foncière – là c'est un autre domaine puisque ce sont les biens de la Collectivité et les biens de l'Etat, où il y a un certain nombre de personnes qui occupent ces biens qui vont devenir propriétaires officiellement – mais bon, on ne va attendre qu'il finisse ce qu'il fait. Nous, on attend dans un autre domaine qui est la publicité foncière pour asseoir la propriété. Mais nous pour la fiscalité locale, on ne va pas attendre le travail qu'il fait, on va aller sur le terrain et puis regarder avec le maire pour savoir qui habite là et on mettra son nom. A charge pour lui de nous dire que ce n'est pas lui le propriétaire.

La mairie aura un rôle à jouer. Moi, j'ai une expérience dans les Antilles où on ne voulait pas nous donner le nom des propriétaires. A un certain moment, j'avais dit : "puisque c'est comme ça, les maires, on vous diminue votre base fiscale. Vous ne voulez pas jouer le jeu, on vous la diminue". Je me suis fait quasiment incendier puisque les maires disaient : "non, c'est votre responsabilité, c'est votre boulot, débrouillez-vous"… Il va falloir que tout le monde joue le jeu, sinon à un moment ça ne marche plus.

Et au démarrage, vous allez voir les soucis qu'on va avoir, de savoir qui est propriétaire, parce qu'on aura taxé des gens qui ne le sont pas. Je vois déjà les files d'attente chez moi pour me dire : "je ne suis pas propriétaire, vous m'avez trop taxé, ma maison n'est pas comme celle-là". Ca fait partie des choses qu'on va devoir gérer au démarrage de l'opération.

 


 

MH : Où en est-on aujourd'hui de la régularisation foncière ? Est-ce que la création d'un établissement public foncier va permettre de résoudre les problèmes d'aménagement du territoire ?

Héric Jean-Baptiste : Pour l'instant, c'est juste une annonce, ce n'est pas encore fait, c'est seulement envisagé. Il manque les textes pour ça.

 


 

MH : Il y aussi le problème des sorties d'indivisions, les Assises du foncier permettront-elles de mieux appréhender le problème ? Parce qu'il y a des villages entiers, comme Chiconi, Chirongui, Dapani et une grande parcelle à M'tsangamouji qui appartiennent officiellement à des personnes qui sont décédées depuis de nombreuses années…

Héric Jean-Baptiste : Il y a plusieurs problèmes : il y a celui des biens qui appartiennent à la Collectivité et qui sont occupés, et puis vous avez sur Mayotte des zones où vous n'avez pas le droit de construire mais où c'est quand même construit, aussi bien par les collectivités que par les particuliers. Et enfin, il y a la ZPG, la Zone des 50 pas géométriques où on a deux solutions : on rase tout, ou alors on régularise la situation de ces personnes qui sont sur la ZPG. Il y a plusieurs cas, avec des textes différents qui vont essayer de régler ces problèmes. Et puis, à côté de ça, il faudrait prévoir des règles de sorties d'indivision. Ca a été un peu l'anarchie en matière de foncier : jusqu'avant 2008, on devenait propriétaire sur un simple bout de papier, ce qu'on appelait un "sous seing privé".

 


 

MH : Un régime qui datait d'un décret de 1911, à l'époque de "Madagascar et dépendances"…

Héric Jean-Baptiste : Oui, mais si on ne l'enregistrait pas, ça n'avait aucune valeur. Et puis d'un seul coup, on passe en 2008 à un système comme celui de la Métropole où on est obligé de passer par un notaire, avec un état-civil fiable, des propriétés bien déterminées, etc. Donc il y a tout ça à gérer…

Ismaël Kordjee : Sans remettre en cause les occupations anciennes, ancestrales…

Héric Jean-Baptiste : Il y a des règles coutumières dont il faut tenir compte. Quand vous mettez tout cela les uns à côté des autres, cela veut dire que les règles de la Métropole sont quasiment inapplicables. Donc, il faut trouver des dispositifs particuliers pour Mayotte.

Ismaël Kordjee : La régularisation foncière est un circuit. Il faut arriver à la fin, au bout de chaîne pour l'immatriculation. La direction des affaires foncières n'a pas fonctionné depuis quasiment trois ans. D'ailleurs, si j'ai à demander à M. Jean-Baptiste un service, c'est que le cordon ombilical ne soit pas encore coupé tout de suite, puisque notre service émane de la direction des services fiscaux. Même une partie de nos archives, on les retrouve chez eux. On est en train de faire un inventaire de notre patrimoine et il y a une partie des archives de la CDM qu'on ne retrouve pas. On est donc en train de voir avec Mme Tournier la manière dont on peut y avoir accès, car apparemment il faut même qu'on paye les documents.

Héric Jean-Baptiste : Ce sont les règles qu'on applique…

Ismaël Kordjee : Au moment du transfert en 2006, on n'a pas pu vraiment travailler. Je considère qu'on est encore dans la direction des services fiscaux. Actuellement, on compte trois ans pour finir la régularisation. Et il faut qu'au bout de la chaîne, on arrive à négocier avec la direction des services fiscaux, puisque 20 dossiers arrivent chez eux par jour.

Héric Jean-Baptiste : Pour vous donner un ordre d'idée, il y a 20.000 dossiers concernés par la régularisation.

Ismaël Kordjee : Nous on peut aller vite. On peut même doubler les effectifs, mais après il faut que l'on puisse avoir quelqu'un au bout de la chaine… On expérimente déjà à hauteur de 20 dossiers par jour, pour adapter notre fonctionnement, mais je profite de la présence de M. Jean-Baptiste pour rappeler que les lois de 2005 et 2008 nous obligent à travailler sur la base de documents récents.

On a démarré la régularisation, je vous le dis car je suis souvent interrogé par vos services, sur la date de transmission des dossiers. On a fait des communiqués, on va passer dans les villages pour récupérer des extraits de moins de six mois, mais le service chargé de traiter ces documents est en sommeil depuis trois ans, et n'a rien transmis depuis. Nous n'avions pas évalué ce contretemps. Même s'il faudra le temps de récupérer les documents, il y a une partie déjà des dossiers que l'on commence à recevoir. Je sais que vous et vos services, vous êtes inquiets, parce que l'on traite les dossiers selon les nouvelles dispositions et à la fois on court après des documents récents pour faire avancer la régulation dans les temps…

Héric Jean-Baptiste : Ce qu'est en train de dire M. Kordjee, c'est très technique. Pour simplifier, et pour que tout le monde comprenne bien la démarche : vous avez les biens de la Collectivité, avec dessus des personnes, des occupants. On va régulariser leur situation, parce qu'ils n'ont, pour la plupart, pas de titre, soit les faire rentrer dans le même dispositif qu'en Métropole, selon le processus de convergence vers le droit commun.

M. Kordjee, son rôle, c'est d'identifier qui, sur ces parcelles, va devenir propriétaire. Et dans le circuit qu'il décrit de traitement des dossiers, en dernière phase, ça vient chez moi pour pouvoir valider juridiquement que ces biens appartiennent à telle ou telle personne. C'est l'encadrement juridique, pour fiabiliser la propriété. Une fois que le dossier sort de mon service, que le titre de propriété est signé, que le propriétaire est reconnu, on ne peut plus revenir en arrière… Et ça, ça concerne 20.000 personnes.

Ismaël Kordjee : C'est exactement ça… et donc, si on traite seulement 20 dossier par jour, ça va prendre un long moment, d’où la difficulté pour être prêt en 2014.

Héric Jean-Baptiste : Avec tous les papiers qui sont perdus, qui n'ont pas de valeur, les enregistrements qui sont perdus… Il y a un formalisme fort autour de la protection juridique des particuliers, qui fait que l'opération est difficile à mener.

 

 

"Les communes n'ont pas de ressources, pas ou peu de foncier, mais demain elles seront chargées de créer des équipements et des aménagements. Cet établissement public pourrait être un opérateur qui achèterait et stockerait du terrain pour les collectivités afin qu'elles puissent réaliser leurs projets."

Ismaël Kordjee

 


 

MH : La Collectivité, pour résorber son déficit, pourrait vendre tout ou partie de ces terrains. Est-ce que l'information est avérée et, dans ce cas, qu'est ce que ça va engendrer dans votre travail de régularisation ?

Ismaël Kordjee : Il est vrai que c'est une solution envisageable, car la CDM est propriétaire de nombre de petits terrains, dont la surface est comprise entre 300 et 1.000 m². Je pense que la CDM peut se séparer de tout ce patrimoine, qui finalement ne pourra jamais accueillir d'équipements publics. Mais d'abord, il faut faire l'inventaire : actuellement, on découvre tous les jours des terrains appartenant à la CDM, alors qu'ils ne sont pas répertoriés dans nos documents.

C'est faux quand on dit que la CDM n'a pas de foncier; elle a un patrimoine important, mais encore faut-il l'identifier. Toutefois, le Cnasea qui a un droit de préemption pour le compte de la CDM, a déjà préempté pas mal de ces petits terrains. Il y aussi une grande partie de terrains agricoles, qu'il faut – et on saura comment grâce aux Assises du foncier – affecter aux agriculteurs qui ont un projet sérieux.

Je reviens sur votre question concernant la création d'un établissement public du foncier. Je pense que le contexte de Mayotte est très complexe, et que nous avons besoin de cet établissement, ne serait-ce que pour aider les communes qui ont beaucoup de mal à maitriser leur foncier. Elles n'ont pas de ressources, pas ou peu de foncier, mais demain elles seront chargées de créer des équipements et des aménagements. Cet établissement public pourrait être un opérateur qui achèterait et stockerait du terrain pour les collectivités afin qu'elles puissent réaliser leurs projets.

Il y a également de nombreux problèmes liés à l'indivision. Aujourd'hui à Mayotte, beaucoup de projets tombent à l'eau à cause de ces problèmes d'indivision, par exemple la retenue collinaire d’Ourovéni. Même si on rencontre les propriétaires des terrains privés, on n'a pas la garantie de discuter avec la personne qui est effectivement propriétaire ou qui le représente. Cela provoque des conflits énormes, et il faut au plus vite sortir de cette situation, car ça bloque à la fois les projets et la mise en place de la fiscalité

L'établissement public peut accélérer les choses. D'ailleurs, l'expérience des travaux des Groupements d'intérêt public (GIP) sur les problèmes de possession de titre et d'indivision dans les îles est concluante. Nous allons recevoir bientôt le premier président du GIP de Corse, pour parler de son expérience.

La dernière chose, c'est par rapport à la zone des cinquante pas géométriques (ZPG). Je pense sincèrement que les décrets d'application qui viennent de sortir ne sont pas adaptés à la réalité locale. A Mayotte, on s'est appuyé depuis 1997 sur la régularisation foncière qui reconnaissait l'occupation coutumière ancestrale, en dehors des ZPG. Il aurait fallu appliquer cette règle pour les zones du littoral aussi, car l'occupation humaine à Mayotte se concentre sur les côtes.

Pour moi, il y a deux poids deux mesures, et je pense que l'Etablissement public foncier pourrait corriger cette inégalité. Aux Antilles, par exemple, il y a une Agence des 50 pas, chargée d'étudier les dossiers au cas par cas. Personnellement, je suis concerné directement : ma famille habite depuis des générations au bord de la mer, mais l'immatriculation, qui permet d'avoir un titre de propriété, n'était pas obligatoire, et on pouvait justifier par n'importe quels moyens le fait d'être propriétaire, et à la rigueur, les gens se sont contentés de ça…

Aujourd'hui, on doit dire à ces gens là, qui depuis des années se croyaient propriétaires, qu'ils doivent justifier le fait qu'ils sont propriétaires…

Héric Jean-Baptiste : C'est pire que ça, puisqu'on va leur demander de payer aussi.

Ismaël Kordjee : Exactement. Et je trouve que c'est dangereux, c'est même oublier l'histoire de l'île. Je suis persuadé que si on avait dit à nos parents que l'immatriculation était obligatoire, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Don je pense que l'établissement public du foncier pourrait nous aider à régler ces problèmes avec équité. Et je le redis, c'est une situation qui pourrait amener à faire descendre tout Mayotte dans la rue, car tout Mayotte est concerné.

Héric Jean-Baptiste : D'un autre côté, on ne pouvait pas laisser les choses en l'état. On n'a pas encore prononcé le mot sacré : aménagement du territoire, or Mayotte en a énormément besoin, pour faire des constructions publiques, des écoles, etc. C'est vrai que sur la ZPG, on va régulariser moyennant paiement, sauf pour les collectivités qui sont installées, mais on ne peut pas demander à ces 4.000 personnes concernées de partir pour les reloger, sachant que le territoire est trop exigu et qu'il n'y a pas assez de logements.

On est obligé de trouver des règles pour régulariser. Mais le souci que l'on va rencontrer, c'est d'une part qu'on ne sait pas comment les gens devront payer, et même s'ils le pourront, et d'autre part, comment faire avec les personnes qui n'ont pas la nationalité française ? Dans l'agriculture par exemple, il y a beaucoup de gens qui viennent des Comores, et qui occupent ces terrains. Comment faire ? C'est un thème, l'occupation des terrains par des étrangers, qui ne manquera pas d'animer les Assises, j'en suis certain. Vous avez au final toute une série de mesures sur le papier, extrêmement difficiles et problématiques dans la pratique.

 

 

"C'est tellement sensible le foncier, car finalement c'est la richesse, et c'est pour ça que l'on réfléchit beaucoup."

Héric Jean-Baptiste

 

 

Ismaël Kordjee : Ma crainte aussi, par rapport à l'établissement public foncier, c'est de voir cet établissement priver la CDM de sa compétence en matière de foncier. Il faut que la CDM garde la maitrise sur ce point.

Héric Jean-Baptiste : C'est tellement sensible le foncier, car finalement c'est la richesse, et c'est pour ça que l'on réfléchit beaucoup. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard s'il y a une cellule foncier au CG, à la préfecture également, et tout le monde parle foncier dans son coin… Je me demande parfois s'il n'y a pas des intérêts contradictoires…

Ismaël Kordjee : Et moi je me demande si avant on en parlait du foncier… Depuis des mois on ne parle plus que de ça !

 


 

MH : Pour optimiser l'aménagement du territoire, il faudra tôt au tard passer par l'expropriation. Qu'en pensez-vous ?

Héric Jean-Baptiste : Les collectivités comme l'Etat, dès lors qu'elles veulent faire des aménagements particuliers et que vous avez des propriétés privées qui empêchent leur réalisation, il y a cette procédure exorbitante du droit commun. Bien sûr, les propriétaires sont indemnisés ou relogés, c'est un droit.

 

 

"L'aménagent du territoire, de façon générale, sera un défi gigantesque."

Ismaël Kordjee

 

 

Ismaël Kordjee : C'est évident que nous devrons nous en servir. Par exemple, pour la construction du collège de Tsoundzou, nous avons engagé des discussions avec le propriétaire du foncier, mais en amont nous avons lancé une procédure de déclaration d'utilité publique, au cas où la négociation n'aboutirait pas, car Mayotte à besoin de ce collège.

L'aménagent du territoire, de façon générale, sera un défi gigantesque. Je vous donne encore un exemple. Lorsque le conseil général a délibéré en 1997 pour instaurer la procédure de régularisation, on a jamais dit au Cnasea qu'il fallait prévoir les servitudes de passage. Ils ont simplement fait les relevés des parcelles, et actuellement il y a plein de parcelles qui sont complètement enclavées, et cela crée des conflits énormes…

Et pour finir sur l'aménagement, on n'en parle pas assez, mais il y a des années on a fait les cases Sim, sans réfléchir à l'aménagement global de l’espace. Et actuellement, le directeur de la Sim a du mal à défendre cette idée qu'il ne faut pas seulement construire des logements, mais penser la stratégie d'aménagement de l’espace dans sa globalité.

Le résultat, c'est qu'on se bat aujourd'hui avec des RHI, pour lutter contre la prolifération de cases qui sont devenues des taudis parce que l'espace n'a pas été assez pensé. Quand je suis arrivé en 1998, les autorités étaient en train de reproduire dans le quartier de M'gombani les mêmes erreurs en confinant des populations les plus démunies dans un espèce de ghetto.

J'avais dit à l'époque : "attention ! Vous êtes en train de faire ce qu'on détruit en Métropole après un constat flagrant d'échec, des vrais ghettos". Je me suis fait incendier, et M'gombani est devenu ce que l'on connaît. Actuellement, il y a un projet de 40 M€, financé par l'ANRU, pour tout refaire. Pour dire qu'à Mayotte, l'aménagement s'est toujours fait de manière sommaire et sans faire appel à des spécialistes. Regardez le front de mer de Basse Terre en Guadeloupe, des gens s'y plaisent et c'est sublime, et comparez-le au notre…

Héric Jean-Baptiste : Mais parce que ça a été pensé, réfléchi. A l'époque. Lucette Michaux-Chevry était maire de Basse-Terre. Il est vrai que la municipalité avait des moyens, mais elle a fait, avec des urbanistes et des architectes, une ville magnifique. En plus c'était très compliqué puisque Basse-Terre est totalement enclavée, mais elle a réussi à étendre le centre-ville et faire un front de mer où les gens peuvent se promener. Mais là aussi, ça nous renvoit aux responsabilités des collectivités locales, tous les projets…

Ismaël Kordjee : (il coupe) La responsabilité de l'Etat !

Héric Jean-Baptiste : Avec les collectivités locales.

Ismaël Kordjee : Non, non, non.

Héric Jean-Baptiste : Un projet d'aménagement d'une ville est quand même porté par la ou les collectivités locales, même si l'Etat finance en partie, très souvent d'ailleurs…

Ismaël Kordjee : Sauf que dans la pratique à Mayotte, pour beaucoup d'aménagements, ceux qui sont censés être maitres d'ouvrage, les principaux intéressés donc, ne sont même pas consultés ou n’ont pas les moyens financiers de les réaliser.

Héric Jean-Baptiste : Et c'est pour ça qu'il existe le Plan local d'urbanisme. Combien de communes l'ont adopté ? 2 sur 17. Ca commence par là. Le maire a des responsabilités dans l'aménagement de sa commune. Quand il fait un PLU, il sait qu'il faut des équipements à tel ou tel endroit. Et ensuite l'Etat, voire l'Europe quand on est département, peuvent financer aussi. Pour l'instant, les communes n'ont pas accès aux ressources de l'Europe, mais quand les vannes s'ouvriront, il faudra être prêt.

 

 

"Le maire c'est un politique et il a besoin de techniciens autour de lui, de savoir s'entourer de gens compétents. Et à Mayotte, c'est ce que vous disiez tout à l'heure, je crois que c'est ce qu'il manque le plus : de bons techniciens."

Héric Jean-Baptiste

 


 

MH : L'attribution de ces fonds est toutefois très encadrée et très réglementée, et il faudra d'abord lever toutes les contraintes légales et administratives pour pouvoir ne serait-ce que les réclamer.

Héric Jean-Baptiste : Tout à fait. Et on revient à ce qu'on disait au départ, il va falloir s'entourer de spécialistes. Ce n'est pas au maire de faire ça. Le maire c'est un politique et il a besoin de techniciens autour de lui, de savoir s'entourer de gens compétents. Et à Mayotte, c'est ce que vous disiez tout à l'heure, je crois que c'est ce qu'il manque le plus : de bons techniciens.

 


 

MH : Comment expliquez-vous que beaucoup d'élus locaux, encore, refusent de s'entourer de techniciens, alors que finalement cela pourrait leur servir électoralement parlant ?

Ismaël Kordjee : Il y a un maire que je connais qui me répète souvent qu'il ne veut pas être commandé. Il ne veut pas partager le pouvoir. Et cette vision vient, à mon sens, de la manière dont se situent souvent les techniciens à Mayotte. J'ai longtemps travaillé pour le maire d'Orléans, en tant que technicien, et j'ai toujours veillé à rester dans mon rôle de technicien : travailler sur les dossiers, les préparer et laisser les élus se les approprier.

Ici, souvent, il y a une confusion des genres. Le technicien fait de la politique. D'ailleurs, beaucoup deviennent ou veulent devenir des élus. Et les maires, comme les conseillers généraux, n'ont absolument pas confiance en leurs services, en leurs propres techniciens, car au fond ils se disent : "ces gens sont là pour nous piquer la place".

Pour vous donner un exemple, quand j'ai été nommé directeur des affaires foncières au conseil général, beaucoup de gens m'ont appelé pour savoir si j'avais ma carte à l'UMP… D'ailleurs j'ai couru pour aller la chercher (rires des deux)… Mais tout ça pour dire que c'est tellement politisé ! Même si vous avez une compétence dans la fonction publique, il faut absolument faire de la politique.

Quand j'étais responsable de l'action culturelle des jeunes à l'échelle d'une agglomération, vis-à-vis de mon patron je ne me suis situé qu'en tant que technicien : lui faire s'approprier les dossiers. Et c'est vrai que ce réflexe, à Mayotte, je l'ai perdu. Souvent je prends des initiatives, je m'avance à la place des élus, et je me dis : "merde, ça n'a pas été validé par mon élu ça !".

Et puis il y a aussi parfois un sentiment, un complexe d'infériorité des élus quand ils ne comprennent pas leurs techniciens, ils ont peur de le dire, de le montrer, car ils prennent cela pour un véritable aveu de faiblesse.

Héric Jean-Baptiste : C'est entièrement vrai ce que vous dites. Mais il faut se mettre à la place des techniciens pour bien comprendre. Quand ils arrivent, ils se rendent très vite compte qu'il y a un tel écart entre ce qui est fait et ce qu'on pourrait faire, qu'ils se disent : mais pourquoi je n'irais pas moi-même à la tête, prendre la barre directement ?

C'est pour ça que dans les collectivités, et même au conseil général, on n'aime pas les techniciens. D'ailleurs, dès qu'il y en a un qui met son nez dans les affaires, ou qu'il regarde d'un peu trop près, il est viré. D'ailleurs beaucoup ne veulent pas venir, car ça commence à se savoir qu'on ne leur laissera pas le pouvoir, le pouvoir technique j'entends.

Ismaël Kordjee : Le problème ici, c'est que les élus ne sont pas issus des circuits de l'administration. Ils n'ont pas non plus suivi de formations généralistes et beaucoup ont utilisé leur faiblesse pour prendre leur place, c'est ce qui explique qu'ils soient si réticents à s'entourer. C'est d'ailleurs le grand problème des différents présidents du conseil général. Ils sont très mal entourés. Les techniciens n’ont jamais pris conscience qu’ils travaillent dans un cabinet d’un président et avant tout qu’ils sont d’abord au service du président avant d’être au service des autres élus. Tous travaillent pour leur propre compte en attendant 2011.

 

 

"D'un côté, les agents qui ne font pas le boulot ne sont jamais sanctionnés, et de l'autre la promotion et la valorisation de ceux qui travaillent n'existe pas. (…) Un élu ne peut pas se permettre de dire souvent non. Et c'est là qu'être bien entouré prend tout son sens, car les chefs ou les directeurs de services doivent jouer leur rôle de bouclier."

Ismaël Kordjee

 


 

MH : Mais pour contrer cet aspect, est-ce que la compétence managériale des élus, et notamment leur propension à utiliser la sanction, ne doit pas évoluer ?

Ismaël Kordjee : C'est la difficulté. D'un côté, les agents qui ne font pas le boulot ne sont jamais sanctionnés, et de l'autre la promotion et la valorisation de ceux qui travaillent n'existe pas.

Pour parler de mon expérience, quand j'étais directeur du service culturel, et tant qu'on était association loi 1901, j'avais la possibilité de sanctionner, de refuser un contrat si le profil du poste ne convenait pas. C'est un service qui fonctionnait. Le jour où l'on est devenu un service du conseil général, tout a changé. Depuis, lorsqu'on envoie un courrier pour notifier la sanction, il passe par le bureau du DRH, où il est intercepté par un élu, qui a été prévenu par la personne réprimandée, et l'élu va casser la sanction. C'est le début du clientélisme.

Mais comme un élu à besoin d'être justement élu, c'est vrai qu'il ne peut pas se permettre de dire souvent non, du moins personnellement. Et c'est là qu'être bien entouré prend tout son sens, car les chefs ou les directeurs de services doivent jouer leur rôle de bouclier. Moi je dis aux élus, s'ils ont un problème avec quelqu'un, de me l'envoyer, et je dis souvent très clairement non. Là je suis dans mon rôle de technicien, et ça permet aux élus de ne pas avoir à se préoccuper uniquement de leur popularité pendant leur mandat, mais plus de leur action, de leur programme.

 


 

L'actualité en questions

 

Qu'est-ce que vous en pensez ?…

 

Les élus qui reculent sur les augmentations des tarifs de la barge après la manifestation de vendredi ?

Héric Jean-Baptiste : Je vais faire une réponse très générale. Il faut savoir ce que l'on veut. Peut-être que l'augmentation des tarifs a été mal expliquée, peut-être est-elle exagérée, ou ressentie comme étant exagérée. Maintenant, quand on a pris une décision et que l'on recule très rapidement, on met le doigt dans un engrenage difficile, car cela revient à entretenir la contestation. C'est comme les jours de grève que l'on paye à la fin, je ne trouve pas que ce soit une bonne solution.

Les gens qui prennent des décisions de contestation, ils assument leur responsabilité. Après, je pense qu'en amont des négociations auraient pu avoir lieu. Effectivement, quand on fait passer le coût de transfert d'un véhicule du simple au double, il aurait peut-être fallu rassembler les parties prenantes et négocier. Mais une fois que la décision est prise, il ne faut plus reculer, il faut l'assumer. Il faut savoir à un moment trancher.

J'ai le sentiment qu'on recule trop facilement. La Collectivité aurait pu négocier et établir un tarif intermédiaire. Là on est revenu au point de départ. On a fait marche arrière très vite. Il fallait en discuter, chercher une adhésion de la population. Car sur le fond, peut-être qu'une augmentation se justifie. Les tarifs sont les mêmes depuis 2003 je crois.

Ismaël Kordjee : Ma réponse sera très soft. C'est la conséquence d'une décision prise sous la pression, hâtivement, sans y avoir réfléchi. Mais en même temps, ça ouvre une brèche au chantage, et ça m'inquiète, car lorsqu'on devra prendre des mesures impopulaires, que va-t-il se passer. L'augmentation, finalement, elle est très symbolique. Il y a des gens qui viennent de Kani, de M'tsamboro tous les jours et qui payent des taxis bien plus chers. C'est la communication autour de ça qui a été désastreuse. Et puis c'est bien que les gens participent à la solidarité et que, pour une fois, les gens de Petite Terre montrent leur solidarité vis-à-vis de la Collectivité… Ils ne veulent pas payer pour rembourser le déficit, sauf qu'ils oublient que ce déficit a servi à financer des projets d'intérêt général.

 

La compagnie Air Austral qui confirme l'achat de deux A380 ?

Ismaël Kordjee : Si ça permet de faire baisser le prix du billet d'avion, je suis d'accord. Sinon, si c'est pour encore spéculer sur le dos des Mahorais…

Héric Jean-Baptiste : Si ça correspond à une demande, et si ça fait baisser les prix, c'est très bien. Car il devient urgent de se poser la question du prix du voyage entre la Métropole et Mayotte. Mettez-vous à la place du touriste qui hésite sur la destination de ses vacances. Un billet pour les Antilles, en ce moment, c'est 400€, pour Mayotte c'est 1.500€, pour 3.000 kilomètres de plus. Le prix plus la faiblesse de la structure hôtelière, les touristes préfèreront sûrement aller ailleurs. Le coté positif, c'est que ça permet de soutenir l'industrie aéronautique européenne qui, d'après ce que j'ai compris, en a bien besoin en ce moment.

 

La gestion du port et du marché finalement confiées à la CCI dans la même semaine, après plus d'un an de tergiversations, alors que c'était l'option la plus sérieusement envisagée à l'époque ?

Ismaël Kordjee : C'est dommage d'avoir perdu autant de temps. Mais ça c'est le contexte de Mayotte, les indécisions. On perd toujours du temps pour prendre nos décisions, et c'est un problème. Imaginez que c'est une compétence du conseil général et qu'aujourd'hui ça soit le préfet qui soit obligé de faire la médiation… C'est qu'il y à un problème. C'est le même problème que pour le transport scolaire. Il faut prendre une décision et l'assumer, quelle qu'elle soit. Mais je n'en dirais pas plus !

Héric Jean-Baptiste : Il fallait prendre une décision. Ca fait plus d'un an que le marché est opérationnel. Il fallait quelqu'un pour le gérer, que ce soit la Collectivité ou la CCI. Aujourd'hui c'est fait et c'est très bien.

 

Les conclusions des Etats généraux et les mesures annoncées par le Conseil interministériel de l'Outremer : sans calendrier avancé et sans budget annoncé, vous-y croyez quand même ?

Ismaël Kordjee : Houla ! Cette question va être aussi dure pour vous que celle du marché pour moi (ils rigolent). Sincèrement, je n'y ai jamais cru. Car si les symptômes sont les mêmes qu'aux Antilles, ici la situation est très différente. D'ici 5 à 6 ans, chez nous ça va exploser, et là on aura à faire nos Etats généraux. D'ailleurs au niveau du foncier, il y a eu peu de participation car c'était biaisé. On s'est raccroché à une réalité qui n'existe pas chez nous.

A mon sens, les travaux devront aussi porter sur le système de gouvernance à Mayotte, car entre les services de l'Etat et ceux des collectivités, c'est tellement difficile, tellement tendu, qu'on est jamais arrivé à nouer un dialogue objectif et productif. Réellement, les décisions ici, c'est l'Etat qui les prend, avec la réalité de Paris, et donc ça ne colle pas avec la réalité locale.

Héric Jean-Baptiste : Moi j'y crois. Sur le principe même des Etats généraux, ça a permis l'expression des collectivités d'Outremer dans leur ensemble sur leurs besoins. Il y avait un problème, on l'a vu aux Antilles, et c'est bien que ces collectivités et leurs habitants aient pu exprimer leurs besoins, leurs problèmes. Ceci étant, est-ce que les conclusions des Etats généraux et les mesures prises répondent aux besoins ? L'avenir nous le dira.

 

Si vous étiez décideurs, quel équipement public construiriez-vous sur le terre-plein de M'tsapéré ?

Héric Jean-Baptiste : Le front de mer, quand on vient à Mayotte, c'est la première image que l'on voit. Je pense qu'il faudrait mettre des équipements qui soient symboliques de ce que l'on voudrait développer à Mayotte. Je pense au tourisme. Mettre des éléments qui font référence au tourisme, des hôtels par exemple, pas des structures immenses, et surtout sans défigurer le paysage. Mais que le touriste, quand il arrive, qu'il puisse voir une première belle image de Mayotte. En plus, ce front de mer est magnifique, ça ne demanderait pas beaucoup d'effort.

Ismaël Kordjee : Déjà faire un espace de promenade sur ce front de mer magnifique. C'est un gâchis énorme d'avoir fait ce terrassement sans avoir prévu ce qu'on y ferait plus tard. Comme l'a dit M. Jean Baptiste, il faut en faire la vitrine de Mayotte. Mais je suis aussi favorable à ce qu'on y implante des équipements structurants, puisque sur la commune de Mamoudzou, de toute façon, il n'y a plus de foncier. C'est pourquoi il ne faudra pas se tromper. Actuellement, on parle du lycée hôtelier et d'un centre culturel.

 


 

Bio express

 

Héric Jean-Baptiste

Directeur des services fiscaux de Mayotte.

Originaire de la Martinique, il est titulaire d'une maitrise de droit public et diplômé de l'Ecole nationale des impôts de Clermont-Ferrand. Devient enseignant à l'Ecole nationale des impôts de Paris.

Une première expérience professionnelle au siège des impôts de la vile de Bourges, puis il passera neuf ans comme directeur adjoint des impôts en Guadeloupe, entrecoupé par des formations professionnelles qu'il dispense, des fonctions pour lequel il s'investit toujours.

A Mayotte depuis un an et demi sur la demande de Bercy pour mettre en place la fiscalité de droit commun, M. Jean-Baptiste vit avec sa compagne et est père d'un garçon de six ans.

 

Ismaël Kordjee

Directeur des affaires foncières du conseil général

Née le 12 avril 1958 à M'tsapéré. Se définit comme un enfant de l'éducation populaire, "élevé par la vie associative". Part pour le collège à Moroni, puis obtient son bac à Sainte-Clotilde de la Réunion. Titulaire d'un Deug AES, d'une licence d'histoire et d'un Defa animation socioculturelle à l'université d'Orléans, sa ville d'adoption, où il dit y vouloir "finir sa vie". Il suivra ensuite une formation de spécialisation à la communication et au management des entreprises culturelles, puis obtient son diplôme d'enseignement supérieur des techniques d'organisation. Récemment, il a décroché un master II administration publique territoriale.

Au service des jeunes et de la culture pendant 10 ans pour la ville d'Orléans, il y mettra en place le festival Cité rock, qui existe toujours, puis rentre à Mayotte, et passera près d'une décennie à la tête du service culturel. M. Kordjee est marié et père de deux enfants.

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