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05/02/2010 – Portrait de Fayadhuiddine Maanli

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Sur les réseaux sociaux ou dans la rue, formellement ou spontanément, les initiatives se multiplient pour répondre à la délinquance qui flambe à nouveau sur l’île aux parfums. Au risque, parfois, de voir l’exaspération prendre le pas sur la loi. 

Mayotte : une naissance dont ils se souviendront

Une naissance dans la rue, ce n’est pas si courant. C’est pourtant ce qu’ont vécu Jonathan et Mouna, lundi 18 mai, date à laquelle Sarah, leur petite fille, a décidé d’arriver. Un évènement auquel ont participé quelques passants, sur les lieux par hasard. Et quand s’improvise une chaîne de soutien, cela donne une belle histoire. Récit. 

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Deux mois de confinement peuvent en dire long sur un individu, mais ils peuvent également dévoiler les pires et les meilleurs aspects d’une société. La crise sanitaire a mis en évidence les failles de la société mahoraise, partagée entre la conscience de certains et l’irresponsabilité des autres. Le sociologue Combo Abdallah Combo nous explique pourquoi il est urgent de tirer les leçons de ce confinement et essayer de changer la donne. 

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{xtypo_dropacap}"L{/xtypo_dropcap}a VAE on en parle depuis 2-3 ans, mais apparemment les gens n'y croient pas tellement. Elle n'est pas développée alors que c'est un moyen d'obtenir des diplômes nationaux, une reconnaissance académique pour les personnes qui ont déjà une expérience dans un métier." Cette reconnaissance, Fayad vient enfin de l'obtenir, le 10 décembre dernier, après près d'un an de démarches. Il s'est d'abord rendu au Centre de bilan de Cavani, puis a été accompagné par un conseiller de l'Afpar (Association pour la formation professionnelle des adultes de la Réunion) qui venait une fois par mois pour l'aider à comprendre et remplir le questionnaire.

"Mon dossier de synthèse faisait une soixantaine de pages", se rappelle-t-il. Ce diplôme équivalent Bac+2 lui a été délivré par le ministère de l'Emploi, sans qu'il ait à suivre la formation habituelle de 2 ans, aujourd'hui proposée par l'Afpar à Mayotte. Cette VAE couronne ainsi ses 10 ans de métier de formateur à l'OIDF, au CFA et en coopération au Bénin.

Après le collège à Mayotte, Fayad est parti pour le lycée de Moroni en 1979. Il a ensuite passé et réussi le concours de la police nationale et est devenu sous-brigadier "par patriotisme" : "J'y suis resté un an seulement car ce n'était pas un métier qui me plaisait. J'ai quitté la police pour inciter les jeunes de Chiconi à venir suivre une formation avec moi".

Membre de "Laïrouvy" (le nom d'un oiseau), une association culturelle des jeunes de Chiconi où il était délégué à l'information et à l'orientation scolaire et professionnelle, il était également dirigeant et joueur de l'équipe de football Mahalaza ("qui fait honneur") de 1978 à 1981.

"Je voulais leur dire qu'électricien, plombier ou maçon sont des bons métiers. J'étais fonctionnaire mais convaincu que la maçonnerie était un métier d'avenir, donc je me suis sacrifié pour aller avec eux à Kawéni. Beaucoup n'avait jamais mis les pieds à Mamoudzou, j'étais comme une caution morale, un soutien pour les accompagner."

 

"J'étais apprenti en maçonnerie le matin, instituteur en français et calcul l'après-midi, et maître d'internat le soir pour aider les autres à réussir"

 

"On a construit nous-mêmes notre internant en un week-end avec des bambous, des rondins de bois et des feuilles de coco tressées à proximité de l'école. Nous étions 13 personnes à y vivre, répartis dans tous les métiers. A l'époque, le village était très solidaire, sous l'impulsion de feu le maire Ali Halidi. Nous dormions sur des nattes et nous faisions des grillades le soir", se souvient-il.

Avant d'être policier, Fayad a été instituteur remplaçant pendant 3 mois : "J'étais apprenti en maçonnerie le matin, instituteur en français et calcul l'après-midi, et maître d'internat le soir pour aider les autres à réussir. On était le premier bataillon, il ne fallait pas qu'on échoue. Le niveau des apprentis était entre le CE1 et le CM2, j'étais le seul à avoir franchi le seuil du collège".

"La deuxième année, nous avons reçu l'aide de la Sim qui nous a hébergés à Cavani. La Légion nous a fourni des matelas et des bénévoles nous donnaient à manger", se remémore Fayad. "Ibrahim Soibahaddine Ramadani, aujourd'hui sénateur, nous a encadré, nous les jeunes de Chiconi, pour notre avenir professionnel. C'est le seul enfant de Chiconi encore aujourd'hui à avoir effectué un doctorat de 3ème cycle. La filière professionnelle nous est apparue comme la voie la plus sûre pour l'avenir de notre île".

A l'époque, beaucoup de jeunes avaient quitté l'école ou n'y étaient jamais allés. Pour lui, être responsable associatif ne signifiait pas seulement "animer et distraire, mais préparer l'avenir de Mayotte". Tous les jeunes qu'il a accompagnés à l'époque ont tous réussi à obtenir un diplôme.

 

Un Tour de France et deux ans en coopération au Bénin

 

Après ses deux années d'apprentissage, Fayad est ensuite parti pour la Métropole pour suivre une formation à l'Afpa de Nancy en 1982 en maçonnerie, pour valider le CAP passé à Mayotte à l'APFPC (Association pour la formation professionnelle et continue), encadré par des compagnons du devoir.

Après un contrôle de connaissances, il entre aux compagnons du devoir à Strasbourg en 1984 et commence son Tour de France qui va le mener à Moulins, Troyes, Rouen, Nantes pendant 2 ans. Il suit ainsi un parcours accéléré dans le cadre de la "promotion ouvrière" : brique cuite à Strasbourg, pierre à Marseille, restauration de monuments historiques à Troyes, parpaing à Moulins, terre, pierre de taille et torchis à Rouen. Pendant son Tour de France, il suivait des cours du soir et passe au bout de 2 ans son examen à Nantes.

Il voit ensuite une annonce pour devenir formateur en maçonnerie au Bénin avec l'Association française des volontaires du progrès. "Comme je voulais revenir à Mayotte, j'imaginais qu'il y avait des similitudes avec l'Afrique", explique-t-il. Il va ainsi y rester deux ans, en tant que coopérant, de 1986 à 1988.

Après cette expérience africaine, Fayad revient à Mayotte pour travailler au cabinet Réa (Réalisation adaptée) à l'époque dirigé par l'architecte Attila Cheyssial, qui a été pour lui "une référence". Il était conducteur de travaux stagiaire en aménagement : pendant un an, il va participer à la mise en place de caniveaux et de dallages de pierre.

Il repart ensuite au Bénin pour suivre une formation de perfectionnement en construction en terre et d'initiation aux essais géotechniques pour le contrôle des bâtiments au Centre national d'essais et de recherche des travaux publics (CNERTP) de Cotonou. En 1989, il entre à l'Afpa de Toulouse en tant que technicien en formation de conducteur de travaux pendant 6 mois.

Puis il revient encore à Mayotte pour participer au Groupement d'intérêt économique des travaux publics et du bâtiment, en tant que conducteur de travaux principal. Son chantier le plus important est la réalisation de la première tranche du collège de Doujani. Il a aussi encadré d'autres conducteurs de travaux pour la place dite Sicotram à Chiconi.

 

Une expérience d'artisan à son compte, de conducteur de travaux au Smiam, de formateur en maçonnerie au CFA et à l'OIDF…

 

Après le GIE, il a intégré un cabinet d'ingénierie en économie de la construction, le cabinet Brisson, en tant qu'adjoint technique de travaux en 1991-1992. Il rejoint le Smiam en 1993-1995 comme technicien conducteur des travaux pour la construction de nombreuses écoles primaires et maternelles.

De 1995 à 1998, il lance sa propre entreprise Kirazana ("Comme la tradition" en kibushi) et réalise des commandes pour le Smiam, la Sim et quelques particuliers à Chiconi. Pendant qu'il était artisan, il a suivi une formation en tir de mines pour utiliser des explosifs dans les carrières. De 1996 à 1999, il a été secrétaire général de la Capeb. En 1999, la DTEFP lui reconnaît le titre de maître d'apprentissage.

Après cette expérience entrepreneuriale, il entre en 1999 au CraTerre (Centre international de recherche et d'application terre), un laboratoire de l'école d'architecture de Grenoble, grâce à sa préparation au Bénin 10 ans plus tôt. Après 6 mois de formation, il obtient son certificat de capacité professionnelle en construction en terre et formateur. Son diplôme en poche, il revient à Mayotte pour enseigner au CFA pendant un an.

Il intègre ensuite la Sim en tant que responsable de la cellule contrôle qualité, puis redevient conducteur de travaux de 2000 à 2002, avant de retourner au Smiam de 2002 à 2004 en tant que responsable du service réhabilitation des écoles primaires et maternelles. De 2004 à 2007, il est formateur à l'OIDF en maçonnerie et alphabétisation. Il fait également partie des membres fondateurs de l'association Art-terre, qui cherche à relancer la normalisation de la brique de terre compressée à Mayotte, matériau de développement durable par excellence.

 

"La VAE est une assurance, une tranquillité : on ne peut plus me dire que j'enseigne par hasard"

 

A la CMA depuis 2008, il a notamment été chargé de l'organisation du colloque sur les métiers du bâtiment qui a eu lieu les 3 et 4 juillet 2009. Infatigable, il a également suivi une formation d'entrepreneur de petites entreprises par le centre national de l'entreprenariat au Cnam qu'il a validée le 29 mais 2009.

"Il faut amener les gens à être autonomes, indépendants. J'ai pu évoluer dans la filière de la maçonnerie et servir d'exemple aux autres", nous explique-t-il. "La VAE est une assurance, une tranquillité : on ne peut plus me dire que j'enseigne par hasard. Quand on m'a embauché à la CMA en mars 2008, malgré toute mon expérience sur le terrain, on n'en a pas tenu compte, on a seulement reconnu mon titre de CAP que j'ai passé à Nancy. Mais toute cette vie, cette expérience associative et professionnelle, rien n'était reconnu."

Normalement, cette VAE doit se traduire par plus de responsabilisation, et donc une augmentation de ses revenus. Fayad n'en a toujours pas fini avec les études puisqu'il espère reprendre sa formation en licence professionnelle de formateur avec le Cnam.

Aujourd'hui, il enseigne au Centre de formation de la CMA qui a ouvert ses portes aux 3 Vallées en juillet 2009. Il y assure notamment des formations à la création et à la reprise d'entreprises et à la réponse aux appels d'offres.

 

Julien Perrot

 


 

La VAE, un moyen d'obtenir un diplôme sans passer par la voie scolaire

 

La Validation des acquis de l'expérience (VAE) est un moyen bien adapté à Mayotte pour augmenter le niveau de qualifications des salariés. L'Education nationale, la Daf, la Dass, la DJS, les Affaires maritimes et le Cnam (jusqu'à sa liquidation l'année dernière) sont les valideurs potentiels sur l'île pour décerner un diplôme national.

La coordination académique et le pilotage de la VAE à Mayotte sont assurés par Pierre Stiegler, inspecteur de l'Education nationale, qui explique que "chaque diplôme a un référentiel de l'emploi qui correspond à un référentiel de formation. Pour la VAE, seul le référentiel de l'emploi est pris en compte : le candidat doit prouver que les tâches accomplies dans son expérience professionnelle correspondent à ce référentiel. Il n'y a pas d'épreuves, c'est un régime déclaratif".

La VAE a remplacé la VAP (Validation des acquis professionnels) en 2002. Désormais il ne faut plus 5 ans, mais 3 ans d'expérience professionnelle minimum. La validation peut aussi être partielle : dans ce cas, le candidat peut soit continuer son expérience professionnelle pour développer les compétences qui lui manquent, soit se mettre à niveau pour passer une épreuve ponctuelle.

Le candidat doit d'abord se présenter à l'un des 2 points relais conseil de Mayotte : le CIO (Centre d'information et d'orientation) et le Centre de bilan. Les conseillers discutent avec le candidat pour savoir le niveau et la branche dans laquelle il va faire sa demande. La demande est ensuite transmise au Cris (Comité régional inter-services), au siège de la DTEFP, qui analyse la cohérence de la demande par rapport à la situation du candidat. La demande doit correspondre aux formations qui existent déjà à Mayotte : les 5 CAP, les 3 BEP, les 6 Bac pro et les 3 BTS aujourd'hui dispensés.

Le Dava (Dispositif académique de validation) convoque ensuite le candidat et lui demande de remplir le livret 1, soit 3 pages recto-verso, et de fournir les justificatifs de ses 3 ans d'expérience : contrats ou attestations de travail ou d'activité s'il s'agit d'expérience associative bénévole. Le dossier est ensuite déposé à la Division des examens et concours (Dec) qui envoie une note de recevabilité au candidat qui doit récupérer le livret 2 à la Dava : un dossier d'une trentaine de pages avec des fiches sur les employeurs, les postes de travail occupés et 5 activités à développer de manière très approfondie.

"C'est la partie la plus difficile car raconter ce qu'on fait et les matières du diplôme qui y correspondent n'est pas chose aisée", souligne Jocelyn Goislard, représentant du Dava au Cris. Le candidat peut se faire accompagner par un professeur spécialisé dans sa branche pour remplir le livret 2 et payer 350 €, qui peuvent être pris en charge par son entreprise si elle cotise à Opcalia. "Ceux qui ont été accompagnés ont 100% de réussite, au pire avec une ou deux matières non validées. La VAE est plus difficile que la voie scolaire et beaucoup se découragent quand ils sont tout seuls", constate M. Goislard.

La Dec convoque ensuite le jury qui est présidé par un conseiller de l'enseignement technologique, un inspecteur de l'Education nationale, un inspecteur pédagogique régional ou un enseignant universitaire en fonction du niveau du diplôme. Le jury, qui se réunit deux fois par an en novembre et avril, est composé de professeurs et de représentants de la profession, le même que celui qui se réunit après les épreuves écrites d'un diplôme.

L'entretien dure 20 à 45 minutes et permet de vérifier la véracité du dossier "pour bien se rendre compte que le candidat est l'auteur et pour aider ceux qui ont du mal à s'exprimer à l'écrit", explique M. Stiegler. L'opération, depuis le début de la constitution du dossier à la délivrance du diplôme, prend environ 10 mois.

 

Un nombre de candidats en constante augmentation

 

Depuis son instauration à Mayotte il y a trois ans, le nombre de candidats à la VAE n'a cessé d'augmenter : passant de 10 candidats en 2007 à 19 en 2008 et 28 en 2009. Le pourcentage de réussite est également en augmentation, passant de 25% pour la session de novembre 2007 à 82% pour celle de 2009. Les diplômes les plus délivrés sont ceux de BTS assistant de direction, Bac pro comptabilité et Bac pro et BEP secrétariat.

Par ailleurs, la VAE est un passage obligé pour les 350 Asem des écoles maternelles publiques, qui devront toute avoir le CAP petite enfance d'ici janvier 2012 : pour l'instant, elles ne sont que 20 à l'avoir obtenu sur 41 candidates lors de la session de novembre 2009. Pour la session de mars 2010, 90 candidatures sont prévues.

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